Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de
l'Air, 13 661, Salon Air, France
Lorsque le canon de Verdun retentit le 21 février 1916, les
méthodes et les règlements dans l’aviation française avaient profondément
évolué. Le personnel était mieux préparé et mieux instruit et les mécaniques
beaucoup plus perfectionnées. Verdun allait être la bataille défensive par
excellence avec tous ses imprévus et tous ses retournements de situation.
L'aviation à Verdun
Dessin de Jean Lefort
Dès le premier jour d’attaque, l’unique centre d’aviation
est pris sous le feu de l’ennemi et rencontre de grosses difficultés.
Les rares avions de chasse français sont dépassés par les
Fokker et les Albatros. Les allemands ont misé sur la concentration des forces
et ont rassemblé leurs avions en Woëvre. Les troupes au sol sont bousculées et
l’aviation ne peut leur apporter aucune aide efficace. Elle ne peut pas non
plus interdire les incursions des avions de bombardement ennemis notamment sur
Bar-le-Duc. De plus les terrains ne sont pas préparés et ne possèdent aucune
infrastructure permettant d’abriter les aéroplanes. La neige est au
rendez-vous, le vent est glacial, les conditions météorologiques sont rudes.
Ainsi, la bataille s’annonce difficile pour les armées françaises en général et
pour l’aviation en particulier.
Le commandant Barès est alors envoyé à Verdun et prend le
commandement de l’aviation. Il va y amener tous les moyens en hommes et en
matériel afin de s’assurer de la supériorité aérienne. Pour cela il va puiser dans
les différents Corps d’Armée et dans les escadrilles tous les moyens dont il a
besoin. Il va faire appel à des chefs énergiques comme par exemple le
commandant de Rose, les capitaines du Peuty, Dorsemaine ou encore Vuillemin. De
même il va positionner dans la région, les meilleurs éléments de la chasse
comme par exemple l’escadrille 3 qui sera rattachée au Groupe de combat de
Cachy. Cette escadrille est celle de Brocard, de Guynemer, de Deullin, de
Heurtaux. Mais aussi l’escadrille 23 qui est celle de Quillien, de de
Beauchamp, de Lenoir. Il fait également appel à des individualités comme
Nungesser, Navarre, Turin, Dusseigneur. A l’instar de la stratégie allemande,
Barès concentre ses meilleures forces à Verdun pour « balayer le
ciel ».
En même temps, arrivent les escadrilles
d’observation : la F.1
avec les capitaines Fuzier et de Miribel, lieutenants Routy, Fageol, Brediam,
Berlioz, Maître ; la C 4
conduite par Watteau ; la
F.19 par Jambois et Plantier.
Toutes les escadrilles de chasse sont campées au terrain de
Bar-le-Duc, sous les ordres du commandant de Rose. Il lance aussitôt les avions
dans la mêlée en constituant des patrouilles compactes et réussit à tenir en
échec l’aviation allemande dans un premier temps puis parvient à lui interdire
définitivement le survol des lignes alliées.
C’est pendant cette bataille que Jean Navarre s’est
particulièrement illustré en s’attaquant aux avions allemands quel qu’en soit
le nombre et en oubliant souvent de demander l’autorisation de décoller.
Au bout de très peu de jours, son avion rouge avec lequel
il s’adonne à des acrobaties éblouissantes, est connu sur tous les fronts. On
le surnomme alors « La sentinelle de Verdun ». Les allemands le
craignent et l’évitent et les poilus et les aviateurs se sentent en
tranquillité quand il survole les lignes.
L’aviation de bombardement s’est également jetée dans la
bataille, mais les avions Voisin, ne permettent pas d’accomplir les missions
opérationnelles.
Les escadrilles d’observation sont groupées en
secteurs : Poivre, Vaux, Douaumont, Verdun, les Eparges. Au milieu des
combats, elles photographient le terrain et assurent la liaison d’infanterie.
Mais leur tâche est pénible et difficile car le matériel est dépassé et, seule,
la valeur des équipages et l’ascendant progressivement pris sur l’ennemi par
l’aviation de chasse leur permettent d’accomplir les missions.
L’attaque de Douaumont est un exemple parfait de la
supériorité de la chasse française. Le commandant Barès décide d’éliminer tous
les drachens afin d’empêcher l’ennemi d’avoir des vues sur l’offensive qui se
prépare.
Le matin de l’attaque, les Nieuport, munis chacun de fusées
Leprieur, fusées dues à l’ingéniosité du lieutenant de vaisseau du même nom,
attaquent les ballons. En moins de trente minutes, six drachens sont détruits
ce qui permet aux troupes au sol de sortir des tranchées. Pour la première fois
depuis le début de la campagne, les poilus effectuent leur attaque sous un ciel
complètement libéré de ces « sentinelles ».
Comme presque toute l’Armée française, la majorité des
escadrilles passèrent à Verdun, qui devint ainsi une école pratique ou
s’entraînèrent de nombreux pilotes et où se forgea la future aviation qui
devait opérer sous peu dans la célèbre bataille de la Somme.
Bibliographie :
FACON,
Patrick, Histoire de l’armée de l’air,
La documentation française, Paris, 2009.
FROGE
Christian (dir.), La
Grande Guerre vécue, racontée, illustrée par les
combattants, Tome 2, Aristide Quillet éditeur, Paris, 1922, pp. 313-329.
KENNETT,
Lee, La première guerre aérienne
1914-1918, Economica, Paris, 2005.
Le
Fana de l’aviation, L’aviation française
pendant la guerre 1914-1918, Hors-série n° 48, avril 2012.
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