jeudi 28 mai 2015

La première bataille aérienne : Verdun

                                             Christian BRUN                                              
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France

Lorsque le canon de Verdun retentit le 21 février 1916, les méthodes et les règlements dans l’aviation française avaient profondément évolué. Le personnel était mieux préparé et mieux instruit et les mécaniques beaucoup plus perfectionnées. Verdun allait être la bataille défensive par excellence avec tous ses imprévus et tous ses retournements de situation.

L'aviation à Verdun
Dessin de Jean Lefort

Dès le premier jour d’attaque, l’unique centre d’aviation est pris sous le feu de l’ennemi et rencontre de grosses difficultés.
Les rares avions de chasse français sont dépassés par les Fokker et les Albatros. Les allemands ont misé sur la concentration des forces et ont rassemblé leurs avions en Woëvre. Les troupes au sol sont bousculées et l’aviation ne peut leur apporter aucune aide efficace. Elle ne peut pas non plus interdire les incursions des avions de bombardement ennemis notamment sur Bar-le-Duc. De plus les terrains ne sont pas préparés et ne possèdent aucune infrastructure permettant d’abriter les aéroplanes. La neige est au rendez-vous, le vent est glacial, les conditions météorologiques sont rudes. Ainsi, la bataille s’annonce difficile pour les armées françaises en général et pour l’aviation en particulier.
Le commandant Barès est alors envoyé à Verdun et prend le commandement de l’aviation. Il va y amener tous les moyens en hommes et en matériel afin de s’assurer de la supériorité aérienne. Pour cela il va puiser dans les différents Corps d’Armée et dans les escadrilles tous les moyens dont il a besoin. Il va faire appel à des chefs énergiques comme par exemple le commandant de Rose, les capitaines du Peuty, Dorsemaine ou encore Vuillemin. De même il va positionner dans la région, les meilleurs éléments de la chasse comme par exemple l’escadrille 3 qui sera rattachée au Groupe de combat de Cachy. Cette escadrille est celle de Brocard, de Guynemer, de Deullin, de Heurtaux. Mais aussi l’escadrille 23 qui est celle de Quillien, de de Beauchamp, de Lenoir. Il fait également appel à des individualités comme Nungesser, Navarre, Turin, Dusseigneur. A l’instar de la stratégie allemande, Barès concentre ses meilleures forces à Verdun pour « balayer le ciel ».
En même temps, arrivent les escadrilles d’observation : la F.1 avec les capitaines Fuzier et de Miribel, lieutenants Routy, Fageol, Brediam, Berlioz, Maître ; la C4 conduite par Watteau ; la F.19 par Jambois et Plantier.
Toutes les escadrilles de chasse sont campées au terrain de Bar-le-Duc, sous les ordres du commandant de Rose. Il lance aussitôt les avions dans la mêlée en constituant des patrouilles compactes et réussit à tenir en échec l’aviation allemande dans un premier temps puis parvient à lui interdire définitivement le survol des lignes alliées.
C’est pendant cette bataille que Jean Navarre s’est particulièrement illustré en s’attaquant aux avions allemands quel qu’en soit le nombre et en oubliant souvent de demander l’autorisation de décoller.
Au bout de très peu de jours, son avion rouge avec lequel il s’adonne à des acrobaties éblouissantes, est connu sur tous les fronts. On le surnomme alors « La sentinelle de Verdun ». Les allemands le craignent et l’évitent et les poilus et les aviateurs se sentent en tranquillité quand il survole les lignes.
L’aviation de bombardement s’est également jetée dans la bataille, mais les avions Voisin, ne permettent pas d’accomplir les missions opérationnelles.
Les escadrilles d’observation sont groupées en secteurs : Poivre, Vaux, Douaumont, Verdun, les Eparges. Au milieu des combats, elles photographient le terrain et assurent la liaison d’infanterie. Mais leur tâche est pénible et difficile car le matériel est dépassé et, seule, la valeur des équipages et l’ascendant progressivement pris sur l’ennemi par l’aviation de chasse leur permettent d’accomplir les missions.
L’attaque de Douaumont est un exemple parfait de la supériorité de la chasse française. Le commandant Barès décide d’éliminer tous les drachens afin d’empêcher l’ennemi d’avoir des vues sur l’offensive qui se prépare.
Le matin de l’attaque, les Nieuport, munis chacun de fusées Leprieur, fusées dues à l’ingéniosité du lieutenant de vaisseau du même nom, attaquent les ballons. En moins de trente minutes, six drachens sont détruits ce qui permet aux troupes au sol de sortir des tranchées. Pour la première fois depuis le début de la campagne, les poilus effectuent leur attaque sous un ciel complètement libéré de ces « sentinelles ».
Comme presque toute l’Armée française, la majorité des escadrilles passèrent à Verdun, qui devint ainsi une école pratique ou s’entraînèrent de nombreux pilotes et où se forgea la future aviation qui devait opérer sous peu dans la célèbre bataille de la Somme.     

Bibliographie :

FACON, Patrick, Histoire de l’armée de l’air, La documentation française, Paris, 2009.
FROGE Christian (dir.), La Grande Guerre vécue, racontée, illustrée par les combattants, Tome 2, Aristide Quillet éditeur, Paris, 1922, pp. 313-329.
KENNETT, Lee, La première guerre aérienne 1914-1918, Economica, Paris, 2005.
Le Fana de l’aviation, L’aviation française pendant la guerre 1914-1918, Hors-série n° 48, avril 2012. 

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