Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de
l'Air, 13 661, Salon Air, France
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Extrait de l’Agenda de l’Aviateur de 1917-1918
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Maurice PERCHERON
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Cet
article est tiré d’un fascicule publié en 1917-1918 sous la direction de
Maurice Percheron, ingénieur. Il a été donné à tous les pilotes d’avions afin
de leur rappeler les informations essentielles portant sur le pilotage, les
règles d’hygiène, le voyage, les prévisions du temps et les formalités
administratives. Nous présentons ici le chapitre 2 portant sur l’hygiène du
pilote. Les recommandations pratiques émises, en particulier celles concernant
les chaussures trop larges, les chaussons fourrés, la paire de moufles avec le
pouce indépendant, le passe-montagne en laine très fine, la ceinture de
flanelle, la plaquette de chocolat et le petit flacon d’alcool, montrent que
l’aviation, malgré 3 ans de guerre, n’en est vraiment qu’à ses débuts.
Nous comprenons sous le titre d’hygiène
toutes les précautions personnelles que le pilote doit prendre au sujet du
froid, de sa nourriture, etc.
Pour accomplir des vols de durée, on devra
chaudement se vêtir, surtout les extrémités et plus particulièrement les pieds.
On arrive facilement à se protéger les mains qui, munies de gants, entreront
dans des manchons fixés à demeure sur le levier de commande. Il n’en est pas de
même des jambes qui doivent être dégagées afin de commander facilement le
palonnier. Il faut donc, dès qu’on aborde les hautes altitudes ou la saison
froide, se vêtir d’un pantalon chaud et introduire ses pieds dans des
chaussures trop larges en portant de nombreuses paires de chaussettes (deux ou
trois), avec, autant que possible, une paire en papier. Il faut donc rejeter
complètement les hautes bottes lacées et les chaussures fines, des chaussons
fourrés seront tout à fait indiqués pour éviter la morsure du froid. Les gants
devront être également assez amples et ne pas risquer de serrer les
doigts : les chairs gonflent en effet sous l’effet du froid et la
circulation pouvant s’arrêter par compression, si les ajustements sont trop
justes, la gelure peut survenir. Nous conseillons, de préférence aux gants, si
chauds et si fourrés soient-ils, une paire de moufles avec le pouce
indépendant : la préhension est parfaitement suffisante et la chaleur se
conserve bien mieux.
Capitaine Bordage en 1913 Source gallica.bnf.fr |
Quant à l’habillement de corps, le costume
de cuir est encore ce qu’il y a de plus pratique. Un chandail bien chaud et des
sous-vêtements en papier permettront d’affronter le froid sans en souffrir.
Pour éviter le froid au ventre, nous conseillons de se munir d’une ceinture de
flanelle.
La peau de chèvre ne nous semble guère
pratique, ayant le grave inconvénient d’engoncer le pilote et de lui interdire
tout mouvement rapide dont peut quelquefois dépendre sa vie.
Il faut éviter de partir avec la vessie et
l’intestin pleins, même pour un vol de courte durée, surtout si celui-ci est
tant soit peu scabreux. Une simple chute peut se compliquer très gravement par
l’épanchement dans l’intérieur du corps des matières toxiques non éliminées à
l’avance.
Eviter de partir l’estomac vide, même si on
craint le temps agité. Si l’on doit rester en l’air pendant plusieurs heures,
ne pas négliger d’emporter quelques tablettes de chocolat à grignoter pour
passer le temps et pour éviter d’avoir l’estomac complètement vide, ce qui
produit un malaise qui, avec le froid, peut amener un étourdissement. Emporter
un petit peu d’alcool dans une poche.
Nous ne parlerons pas, bien entendu, de
l’hygiène générale du pilote, de son abstention complète de l’alcool et des
excès de toutes sortes qui épuisent et font disparaître les réflexes
indispensables à tout pilotage.
La nourriture doit être particulièrement
soignée et le plus riche possible en calories : amandes, noix et noisettes
seront avec plaisir grignotées et donneront ainsi une somme énorme de calories.
Nous ne conseillons cependant pas de recourir aux produits utilisés par les
habitants des régions polaires, à base d’huile ou de graisse, car il peut
s’ensuivre une fatigue du foie.
Enfin, nous déconseillons de voler si on se
sent souffrant et surtout si on est sujet à des étourdissements palpitations,
bourdonnements, éblouissements. Ces malaises qui peuvent n’être que passagers,
provenant le plus souvent de fatigue nerveuse, risqueraient d’amener cependant
les pires accidents. Il faut alors consulter un médecin qui donne son avis sur
la possibilité ou non de voler. Si cependant les nécessités militaires obligent
à prendre l’air, prendre certaines précautions : ne pas voler dans les
remous ou descendre trop rapidement d’une grande hauteur ; emporter un
cordial et voler « sagement ».
Aviateur Gilbert en 1915 Source gallica.bnf.fr |
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