jeudi 28 mai 2015

Hygiène du pilote

Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France
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Extrait de l’Agenda de l’Aviateur de 1917-1918
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Maurice PERCHERON
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Cet article est tiré d’un fascicule publié en 1917-1918 sous la direction de Maurice Percheron, ingénieur. Il a été donné à tous les pilotes d’avions afin de leur rappeler les informations essentielles portant sur le pilotage, les règles d’hygiène, le voyage, les prévisions du temps et les formalités administratives. Nous présentons ici le chapitre 2 portant sur l’hygiène du pilote. Les recommandations pratiques émises, en particulier celles concernant les chaussures trop larges, les chaussons fourrés, la paire de moufles avec le pouce indépendant, le passe-montagne en laine très fine, la ceinture de flanelle, la plaquette de chocolat et le petit flacon d’alcool, montrent que l’aviation, malgré 3 ans de guerre, n’en est vraiment qu’à ses débuts.

Nous comprenons sous le titre d’hygiène toutes les précautions personnelles que le pilote doit prendre au sujet du froid, de sa nourriture, etc.
Pour accomplir des vols de durée, on devra chaudement se vêtir, surtout les extrémités et plus particulièrement les pieds. On arrive facilement à se protéger les mains qui, munies de gants, entreront dans des manchons fixés à demeure sur le levier de commande. Il n’en est pas de même des jambes qui doivent être dégagées afin de commander facilement le palonnier. Il faut donc, dès qu’on aborde les hautes altitudes ou la saison froide, se vêtir d’un pantalon chaud et introduire ses pieds dans des chaussures trop larges en portant de nombreuses paires de chaussettes (deux ou trois), avec, autant que possible, une paire en papier. Il faut donc rejeter complètement les hautes bottes lacées et les chaussures fines, des chaussons fourrés seront tout à fait indiqués pour éviter la morsure du froid. Les gants devront être également assez amples et ne pas risquer de serrer les doigts : les chairs gonflent en effet sous l’effet du froid et la circulation pouvant s’arrêter par compression, si les ajustements sont trop justes, la gelure peut survenir. Nous conseillons, de préférence aux gants, si chauds et si fourrés soient-ils, une paire de moufles avec le pouce indépendant : la préhension est parfaitement suffisante et la chaleur se conserve bien mieux.

Capitaine Bordage en 1913
Source gallica.bnf.fr
Un ou deux passe-montagne, dont l’un en laine très fine ou en soie, devront prendre place sous le casque (absolument obligatoire). Pour se protéger la figure de la morsure du froid, ne pas surtout s’enduire la peau d’un corps gras qui, gelant à une basse température, applique d’une manière permanente sur la figure une couche glacée risquant d’amener la gelure très rapide. Se frictionner si on veut avec de la glycérine qu’on prendra soin d’essuyer soigneusement ensuite. La meilleure manière de se protéger la peau est de se mettre un masque en cuir ou en étoffe, doublé de fourrure, avec une ouverture pour la respiration. Évitez les cache-nez dont les longs bouts flottants peuvent risquer de s’accrocher aux mâts ou même de se prendre dans l’hélice. Ne jamais voler avec un képi.
Quant à l’habillement de corps, le costume de cuir est encore ce qu’il y a de plus pratique. Un chandail bien chaud et des sous-vêtements en papier permettront d’affronter le froid sans en souffrir. Pour éviter le froid au ventre, nous conseillons de se munir d’une ceinture de flanelle.
La peau de chèvre ne nous semble guère pratique, ayant le grave inconvénient d’engoncer le pilote et de lui interdire tout mouvement rapide dont peut quelquefois dépendre sa vie.
Il faut éviter de partir avec la vessie et l’intestin pleins, même pour un vol de courte durée, surtout si celui-ci est tant soit peu scabreux. Une simple chute peut se compliquer très gravement par l’épanchement dans l’intérieur du corps des matières toxiques non éliminées à l’avance.
Eviter de partir l’estomac vide, même si on craint le temps agité. Si l’on doit rester en l’air pendant plusieurs heures, ne pas négliger d’emporter quelques tablettes de chocolat à grignoter pour passer le temps et pour éviter d’avoir l’estomac complètement vide, ce qui produit un malaise qui, avec le froid, peut amener un étourdissement. Emporter un petit peu d’alcool dans une poche.
Nous ne parlerons pas, bien entendu, de l’hygiène générale du pilote, de son abstention complète de l’alcool et des excès de toutes sortes qui épuisent et font disparaître les réflexes indispensables à tout pilotage.
La nourriture doit être particulièrement soignée et le plus riche possible en calories : amandes, noix et noisettes seront avec plaisir grignotées et donneront ainsi une somme énorme de calories. Nous ne conseillons cependant pas de recourir aux produits utilisés par les habitants des régions polaires, à base d’huile ou de graisse, car il peut s’ensuivre une fatigue du foie.

Enfin, nous déconseillons de voler si on se sent souffrant et surtout si on est sujet à des étourdissements palpitations, bourdonnements, éblouissements. Ces malaises qui peuvent n’être que passagers, provenant le plus souvent de fatigue nerveuse, risqueraient d’amener cependant les pires accidents. Il faut alors consulter un médecin qui donne son avis sur la possibilité ou non de voler. Si cependant les nécessités militaires obligent à prendre l’air, prendre certaines précautions : ne pas voler dans les remous ou descendre trop rapidement d’une grande hauteur ; emporter un cordial et voler « sagement ».

Aviateur Gilbert en 1915
Source gallica.bnf.fr

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