Il y aurait intérêt à ce que les programmes soient
allégés et le standing de la direction technique accru
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Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661,
Salon Air, France
Nous
proposons aux lecteurs cet article paru dans la revue Les Ailes, N° 768 du 5 Mars 1936. La première promotion de l’Ecole
de l’Air a rejoint Les Petites Ecuries
à Versailles à l’automne de l’année précédente. L’accent est mis ici sur le
retard mis par les entrepreneurs à Salon-de-Provence, sur le choix de Versailles
et sur les conséquences de ce choix sur la qualité des cours et sur la
disponibilité des enseignants. L’auteur déplore également l’absence parmi les
personnels de la direction de l’école d’un ingénieur d’un grade élevé ou d’un
technicien reconnu.
Le fonctionnement de l’Ecole de
l’Air donne lieu à quelques observations. Nous les formulons avec le souci
d’aider la grande école a bien accomplir la mission primordiale qui est la
sienne. Tous les moyens doivent lui être fournis sans réticence et sans retard.
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Il
est encore trop tôt pour juger les méthodes et les résultats que l’Ecole de
l’Air obtiendra pour instruire la soixantaine d’élèves-officiers du recrutement
direct. La première promotion donne le meilleur espoir à ses instructeurs. Nous
continuons toutefois à penser que l’ouverture de l’Ecole à Versailles a été une
erreur technique dont les répercussions sur la qualité des officiers seront
nombreuses. On nous affirme que l’étude du transfert de l’Ecole à
Salon-de-Provence continue. Soit. Tout de même, rien ne sort de terre, du moins
à notre connaissance.
Versailles
ne suffira point
Nous sommes particulièrement renseignés sur
les grandeurs, le faste, l’extraordinaire puissance des moyens techniques
accumulés par les Allemands dans l’Ecole de l’Air ouverte récemment près de
Berlin. Nous notons donc avec anxiété que le point de départ du système de
formation des officiers-aviateurs
français et du système allemand se traduit par une nette infériorité du système
français. Cela implique des responsabilités précises que nous ne perdrons pas
de vue et que nous rappellerons à l’occasion.
Certes, nous devons dire qu’à Versailles,
avec un million de réparation on a fait ce que l’on pouvait pour améliorer les
vieux bâtiments des « Ecuries du Roi ». On a donné une certaine
allure aux greniers ! Les jeunes élèves officiers ont de coquettes
chambres à trois lits, lavabos modernes, salles de jeux, etc. Mais cela ne
suffit point. A une moderne école de l’Air, il faut des moyens pédagogiques,
scientifiques, techniques et aériens variés et concentrés, toutes conditions
que Versailles réunit très imparfaitement. Il lui faut également de puissants
moyens d’instruction aérienne, soit la possibilité d’effectuer environ 20. 000
heures de vol par an. Enfin, il est bon que les élèves soient plongés dans
l’ambiance de la piste. Villacoublay et ses annexes ne réunissent aucune de ces
conditions. La piste y est surencombrée. Située à 6 kilomètres de
Versailles, elle oblige à une navette incessante, très pernicieuse à la régularité
et au rendement du travail.
Le transfert à Salon-de-Provence reste donc
une impérieuse nécessité. Pourquoi Salon ? Pour la simple raison que
voici :
Sur la discussion de M. Pierre COT, des
engagements avaient été pris. Le Général Denain ne les a pas tout d’abord
suivis. Puis sur ordre du ministre les études ont été reprises par l’Inspecteur des Ecoles et le Service des
Travaux. Elles sont à peu près au point. Elles peuvent aboutir. Or, maintenant,
c’est l’état-major général qui, sous des prétextes fallacieux démolit le
projet. Quelle anarchie dans les idées. Elle doit cesser au plus tôt !
Des
cours surchargés
Cela dit, nous voulons attirer l’attention
sur quelques particularités s’appliquant au cours des officiers-élèves. Elles
ne sont point très graves mais présentent cependant un certain intérêt.
Les cours des officiers-élèves sont
nettement trop nombreux et trop chargés. Ils se chevauchent de façon plus ou
moins désordonnée et sollicitent l’attention dans de multiples directions, mais
ne la retiennent point.
Alors que l’Aviation fournit dans son
domaine propre technique et tactique, d’abondantes matières, on a commis
l’erreur d’ajouter l’enseignement simultané de plusieurs langues :
allemand, anglais, italien et arabe, ainsi que des cours d’histoire de
géographie et de littérature.
Qui trop embrasse mal étreint. Or les
officiers auxquels s’appliquent ces cours sortent de Saint-Cyr, de l’Ecole
Polytechnique ou de l’Ecole Navale. Que peuvent tirer de quelques leçons de
langues étrangères des élèves surmenés ? Rien ! Et n’auront-ils pas
le temps d’acquérir des rudiments de langues si les circonstances de leur
carrière l’imposent ? Ils avouent eux-mêmes qu’après dix leçons d’arabe
ils sont incapables de sortir une phrase correcte de cette langue difficile.
La géographie aérienne pourrait peut être
présenter quelque intérêt, mais il semble qu’une ou deux conférences
suffiraient à en donner la substance. La pratique de la navigation faisant le
reste. Quant à l’histoire et la littérature (on recommence de A à Z comme au
collège), ce sont là des choses déjà vues et parfaitement inutiles en l’occurrence.
Elles enlèvent aux élèves des heures précieuses pour l’étude de leurs cours
aéronautiques proprement dits.
Et tout ceci s’applique, dans une large
mesure, aux cours des sous-officiers élèves officiers.
Soignons
les professeurs
Autre point : la direction du corps
enseignant. Tandis qu’à l’Ecole Navale, par exemple, les professeurs sont
d’importants personnages, les professeurs de l’Ecole de l’Air sont des officiers
que l’on juge disponibles pour toutes les besognes, sans se soucier des
commodités que réclame leur enseignement. On a vu des officiers de garde à
Villacoublay, qui après avoir divagué nuitamment au travers du terrain pour des
fonctions de surveillance, devaient, le lendemain, à la première heure, faire
des cours importants. L’Ecole de l’Air impose elle-même à ses professeurs des
services de semaine ou de nuit incompatibles avec leur mission. Ils doivent
assurer des interrogations et des corrections de copies.
Or, la plupart d’entre eux sont chargés
d’enseigner des matières scientifiques ou techniques. Ils pourraient
revendiquer, à bon droit, les mêmes considérations et les mêmes avantages que
les professeurs de lycées ou de facultés. La preuve en est que, pour certains
cours, l’Ecole de l’Air a dû faire appel à des professeurs civils. Comme on le
pense, ces professeurs restent strictement dans leurs fonctions normales … et
ne prennent point la garde !
Enfin, dernier détail. Nous nous étonnons
que , parmi le haut personnel de direction de l’Ecole, on ne trouve point, pour
la partie scientifique et technique, un ingénieur d’un grade élevé ou un
technicien hautement coté dans les milieux de l’enseignement. Il suffit de
parcourir la liste des professeurs de l’Ecole Polytechnique ou de l’Ecole
Centrale pour regretter le manque de « standing » de la direction de
l’enseignement technique à l’Ecole de l’Air. Cependant, c’est pour réagir
contre l’insuffisance de Saint-Cyr à l’égard de cet enseignement que l’Ecole de l’Air a été créée. C’est pour cela que nous
avons ici même, avec une petite équipe d’officiers d’un profond
désintéressement, fait une longue campagne en sa faveur.
Il est donc dit qu’en France toutes les
belles organisations ne tourneront jamais aussi bien qu’elles le pourraient.
Sous la grandeur des intentions, on ne trouve trop souvent que la misère des
réalisations.
L’amélioration du fonctionnement de l’Ecole
de l’Air est, en tout cas, un de ces problèmes de bonne administration, auquel
M. Marcel Déat pourra appliquer les clartés de son intelligence et son goût de
l’action.
A. L.
Carte postale de Salon-de-Provence représentant un aviateur |
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