Le fonctionnement du BOA
Dominique Schmidt
Les actions du Bureau des Opérations Aériennes
Recherche de
terrains et équipes
La priorité des officiers
du BOA est la recherche d’équipes et de terrains répondant aux conditions
fixées par la RAF. Les
premières équipes sont proposées aux Officiers d’Opération par les chefs des
Mouvements (Libération-Nord, Ceux de la Libération , Ceux de la Résistance ,
Turma-Vengeance, OCM).
Les terrains doivent être
plats, assez durs pour atterrir, mais pas trop pour les parachutistes et
containers, sans ornières ni rochers, de taille suffisante (600 m pour un Lysander),
éloignés des montagnes, des défenses anti-aériennes, pas trop près des villages
pour éviter les curieux…
A la création du BOA, les
opérations se faisaient depuis la Grande-Bretagne , par les nuits de lune et sans
communication radio avec le pilote. L’avion devait donc pouvoir faire
l’aller-retour dans la nuit en autonomie de carburant. La présence d’une
rivière (particulièrement visible par les nuits de pleine lune) était un atout.
Il fallait bien sûr, une équipe à proximité du terrain, pour assurer le
balisage, l’évacuation et le camouflage des hommes et matériels parachutés ou
déposés.
Une fois le terrain
vérifié par l’Officier d’Opération, les coordonnées étaient communiquées à
Londres et, en général, un avion venait photographier le terrain. Dans le cas
contraire, l’Officier en donnait un plan aussi précis que possible. Si la RAF homologuait le terrain, un
nom, une lettre et une phrase code étaient alors attribués. Le BCRA et le BOA
pouvaient envisager d’y programmer des opérations : parachutage de
matériels (ARMA), parachutage d’hommes (HOMO), atterrissages Lysander ou Hudson
(DEPOT).
Programme mensuel
Chaque mois, l’Officier d’Opération
proposait un programme, en fonction des besoins, des terrains et équipes
disponibles. Après négociations entre le BCRA, le SOE et la RAF , le Chef du BOA recevait
le programme arrêté. Il pouvait donc alerter les équipes. Ces échanges se
faisant par câbles, supposaient des liaisons radio efficaces !
Le jour venu, si l’opération était tentée,
la phrase code était lue à la BBC
au programme des messages personnels de 13h30, puis à nouveau à 19h30. Les
équipes se préparaient. Si la phrase passait encore à 21h30, tout le monde se
rendait sur le terrain, selon ses consignes, avec le matériel de balisage.
Si tout allait bien, l’avion approchait, le
chef de terrain lui envoyait à l’aide d’une lampe torche, la lettre code.
L’avion répondait et dans ce cas on allumait le balisage…
Dès que possible, l’Officier d’Opération
adressait à Londres un compte-rendu et un inventaire du matériel reçu. Le
pilote, de son côté, faisait un rapport.
Parachutage
L’Officier d’Opération avait fixé les
besoins et le nombre de parachutes qu’il pouvait recevoir, compte tenu des
moyens dont il disposait pour l’enlèvement du matériel reçu. En 1943, un seul
avion opérait et larguait quelques containers (armes, explosifs, machines à écrire,
à dupliquer, papier, pièces détachées pour les radios…), des colis
(Pneumatiques notamment) et parfois des hommes.
Aussitôt à terre, les parachutes devaient
être décrochés de leurs charges et enterrés, tandis que les matériels et agents
réceptionnés étaient immédiatement évacués et cachés en lieu sûr.
Atterrissage
Les atterrissages étaient indispensables
pour l’enlèvement du courrier, des personnalités et des agents à exfiltrer. Ils
étaient réalisés de nuit par de petits avions Lysander (1 pilote, 2 passagers,
3 au maximum, peu de bagages) ou Hudson (Equipage de 4 hommes, 10-12 passagers,
une tonne de colis).
L’avion approchait, échangeait la lettre de
reconnaissance, se posait face au vent, faisait demi-tour en bout de terrain
(autour des balises), et revenait se placer, prêt au décollage, à la première
balise où attendait le chef de terrain, avec les passagers et le courrier. On
échangeait courriers et passagers, et l’avion repartait. Cela ne devait durer
que 3 à 4 minutes. Dans les opérations les plus spectaculaires, trois Lysander
se sont posés successivement et ont décollé en moins d’un quart d’heure, et
tout cela en zone occupée !
La radio
Les liaisons radio constituent un facteur
essentiel pour la préparation et la réussite des opérations aériennes. Les
opérateurs échangent en Morse. Ils doivent, comme les Officiers d’Opérations,
être agréés par les services anglais, intermédiaires imposés des émissions et
réceptions en Angleterre. Les premiers opérateurs ont reçu cette formation en
plus de celle d’Officier d’Opération. Malheureusement, les conditions étaient
telles que presque tous ont été localisés et interceptés par les service
« Gonio », quand ils n’ont pas été dénoncés !
Renseignement
Outre les opérations aériennes, les
Officiers du BOA transmettaient à Londres tous les renseignements qui pouvaient
être collectés par les agents : état d’esprit de la population, attitude
des élites, mouvements de troupes, défenses anti-aériennes, modèles de papiers
et imprimés, etc.
Sabotage
Une mission complémentaire des Officiers du
BCRA était l’instruction des équipes au maniement d’armes et à l’usage des
explosifs (plastic en particulier). Le sabotage de certains sites aura permis
ainsi d’éviter des bombardements alliés, dangereux pour les populations civiles
proches.
Les évolutions
La création du BOA peut se situer dans la
deuxième moitié du mois de mars 1943. Pal en est alors le Chef. C’est lui qui
coordonne et transmet les programmes mensuels et les propositions de terrains.
Il transmet aux autres Officiers d’Opérations, les ordres de Jean Moulin.
L’arrestation de Jean Moulin le 21 juin
1943, permet au BCRA de reprendre le pouvoir sur le BOA. Kim, considéré comme « brûlé »,
est rappelé à Londres et remplacé en juillet, en région M, par Jean-François
Clouet-des-Perusches (Galilée), et en région B par Guy Chaumet (Mariotte). En
septembre 1943, Michel Pichard devient alors Chef National du BOA.
Les opérations devenant de plus en plus
nombreuses, les chefs régionaux prennent peu à peu beaucoup d’autonomie.
Eux-mêmes s’entourent d’adjoints, de sorte qu’il y a bientôt des responsables
BOA dans tous les départements de zone Nord.
A l’approche du débarquement, la mise en
place des délégués militaires modifie sensiblement le rôle du BOA. Les armes
parachutées leur sont désormais remises et ils décident seuls de leur
utilisation. Les sabotages relèvent d’équipes qui travaillent selon des plans
spécialisés. Quelques frictions en résultent.
Répression
L’organisation d’une opération aérienne ou
le sabotage d’un site, présentait de multiples risques, d’autant plus que les
équipes du BOA étaient sollicitées aussi lorsqu’il fallait porter secours aux
pilotes alliés dont les avions avaient été abattus. Les allées et venues
suspectes, les bruits des moteurs, les traces de parachutage, des bavardages,
quelques imprudences, … tout était épié par la Gestapo , malheureusement
aidée par quelques français sans scrupules ! De nombreuses équipes ont été
décimées à la suite de dénonciations, voire de trahisons ! Arrêtés,
torturés, déportés ou abattus sur place, considérés, non comme des soldats mais
comme des terroristes, beaucoup d’agents du BOA, femmes ou hommes, n’ont pas
survécu !
Bilan
Avec un recul de 70 ans, à la lecture de
nombreuses archives désormais publiques, on peut penser que la contribution du
BOA à la victoire contre les nazis n’est qu’une anecdote, que les efforts
déployés pour amener quelques tonnes d’armes dont une partie a été saisie par
les polices, n’en valait pas la peine… Possible ! Mais ce qui est certain,
c’est que l’action courageuse, souvent héroïque, des femmes et hommes de tous
bords, de toutes croyances, qui ont constitué le BOA, est un exemple trop peu
connu de détermination, d’abnégation, de désintéressement et de camaraderie.
Le général de Gaulle l’a d’ailleurs
implicitement reconnu, en attribuant la Croix de l’Ordre de la Libération à tous les
chefs régionaux du BOA et à plusieurs de leurs adjoints : Jean Ayral,
Arnaud Bisson, Guy Chaumet, Jean-François Clouet-des-Pesruches, Pierre Deshayes,
Claudius Four, Marcel Jeulin, Michel Pichard, Paul Schmidt.
Documentation
MRD FOOT, Michael Richard Daniell, CREMIEUX-BRILHAC,
Jean-Louis, Des anglais dans la Résistance , Taillandier,
2011.
PICHARD, Michel, L’espoir
des Ténèbres, ERTI, 1990.
REYES-AYRAL, Xavier, Héroïsme,
l’Harmattan, 2013.
VERITY, Hugh, Nous
atterrissions de nuit, Vario, 2004.
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