Cdt (h) Bernard Lart
De
la période Fort Lamy 1960 à N’Djamena 1975…
Le
Tchad[1]
occupe une place à part dans l’histoire des colonies françaises au XXe
siècle. A l’été 1940, alors que la métropole et l’empire colonial français
apprenaient les paroles de « Maréchal nous voilà », cette colonie
rejoint la France Libre
du Général de Gaulle. C’est en effet sous l’impulsion de son gouverneur Félix
Eboué (d’origine guyanaise) que ce territoire se tourne vers « l’homme du
18 juin ». Cette particularité historique est renforcée par le départ de
Fort Lamy[2]
de la première opération militaire de l’embryon des Forces Françaises Libres.
En effet, un colonel à la tête de tirailleurs sénégalais (en fait, des Tchadiens
du sud de la tribu Sara), se lance en janvier 1941, dans un raid suivi d’un
coup de main sur une garnison italienne du Fezzan (au sud de la Libye ). Il s’appelait
Leclerc et la saga du « serment de Koufra » démarrait.
En
septembre 1958, l’approbation par référendum
de la Ve
République , permet « en douceur » l’accession à
l’indépendance des colonies africaines (AOF et AEF). La Communauté française
qui se veut un « Commonwealth » à la mode de Paris, cherche à régir
les relations entre l’ancienne puissance coloniale et ces nouvelles nations à
la négritude affirmée (expression du normalien Léopold Senghor, futur président
du Sénégal).
La « guerre froide » opposant les
pays occidentaux aux pays communistes va s’étendre sur le continent africain.
Une politique du « pré carré » au sud du Sahara s’établit dans
l’esprit des dirigeants de notre pays. Avec en devanture, un ministère de la
coopération, un management à l’Elysée[3]
et « en arrière boutique », une caserne sise boulevard Mortier, sans
oublier une petite compagnie aérienne[4]…
Quelques
années plus tard un mot résumera ces relations : Françafrique. L’auteur de
ce néologisme ? Félix Houphouët Boigny, (ancien ministre de la IVe et Ve
République), devenu président de la République de Côte d’Ivoire.
1960 :
indépendance du Tchad
Ce
pays, le Tchad est le quatrième plus grand pays du continent africain (superficie de
1 285 000 km²). Il s’étend entre le 5e parallèle de latitude Sud et
le tropique du Cancer. Le Tchad possède, dans son fantastique étirement
longitudinal, des frontières d’une grande linéarité[5].
A
l’intérieur, une population autour de 10
millions d’habitants. La diversité tchadienne est représentée par des variétés
ethniques (plus d’une centaine) ; aucune ethnie n’est majoritaire et le
nombre exact de dialectes ne peut être connu avec exactitude.
Parmi
les 13 langues dont 18 sont parlées par 50 000 locuteurs, il y a le
français et l’arabe tchadien[6].
Trois religions - musulmane, animiste et chrétienne (catholiques/protestants)
-, cohabitent, mais les antagonismes entre nomades du Nord (les seigneurs du
Dar el Islam) et les sédentaires du Sud du Dar el Abid (pays des esclaves) ont
tendance à resurgir, après un demi-siècle de paix coloniale[7].
1965 :
« une jacquerie »…
Les
populations du Guéra se soulèvent contre un emprunt forcé payable en bétail et
le quadruplement de la « taxe civique ». S’ensuivent des tueries
d’une dizaine de fonctionnaires originaires du Dar el Abid et des représailles
de l’Armée Nationale Tchadienne (ANT) qui rase plusieurs villages.
En
1966 la cristallisation de l’opposition entraîne la création d’un mouvement
armé, le Front de Libération National (FROLINAT). Ce mouvement rassemble les
musulmans du Nord et du Centre-Est, mais également des opposants de toutes
régions influencés par le nassérisme.
En
1968,
les Toubous-Goranes, grands nomades chameliers de la vaste région du B.E.T. (Borkou,
Ennedi, Tibesti, soit 45% du territoire) entrent
en rébellion ouverte[8].
La dissidence est présente.
Ces
troubles préoccupent le Général de Gaulle pour qui, le Tchad, a valeur de haut
symbole.
Au
mois d’août 1968, une opération ponctuelle est déclenchée contre une mutinerie
des Toubous de la Garde
nationale ; un élément de la 11e Division Parachutiste avec une
petite force aérienne stationne à Bardaï pendant deux mois. Sans combat, on
dégage le préfet, un colonel tchadien, d’une très mauvaise posture.
En
mars 1969, le président François Tombalbaye[9]
fait appel à la France ,
lors de sa rencontre avec M. Foccart ; celui-ci analyse la déliquescence
de l’état tchadien et… la menace soviétique qui se pointe du côté du Congo
Brazza.
En
avril 1969, sous l’impulsion de l’ambassadeur de France (M. Wibaux), une
mission de réforme administrative (MRA) commence à œuvrer pour épauler les
fonctionnaires tchadiens. On n’oubliera pas le côté militaire avec l’envoi de
600 conseillers dans le cadre d’une assistance militaire technique (AMT) à
l’Armée Nationale Tchadienne (ANT).
En
métropole, le monde politique se prépare au référendum sur la régionalisation
(et sur la suppression du Sénat…). Le « non » l’emportant pour la
première fois, le premier Président de la Ve République
démissionne ! Georges Pompidou est élu.
M.
Foccart de la cellule élyséenne est toujours là, et il convainc le nouveau
Président d’envoyer au Tchad des unités de professionnels, « sans le
claironner ».
L’engagement
En
renfort d’un Régiment Inter Armes Outre-Mer (6e RIAOM) stationné sur
cet immense territoire, les légionnaires parachutistes du 2e
REP sont déployés. De son côté l’Armée
de l’Air positionne sur la Base
aérienne 172 de Fort Lamy. Elle déploie une dizaine d’avions Nord 2501 (un Transall
C160 en présérie viendra effectuer des détachements), une douzaine
d’hélicoptères H-34 Sikorski cargos dont deux « Pirate » armés d’un
canon de 20 mm
et trois hélicoptères de liaison Alouette II. L’unité prendra le nom de Groupe
Mixte de Transport (GMT 059).
L’appui
feu aérien verra également l’arrivée de cinq Skyraider AD 4 N venant de
l’entrepôt de Châteaudun (EAA 1. B.A. 279) et de quatre autres AD 4 N de
l’escadron 1/21 de Djibouti. Ils sont accompagnés par un Breguet 765 Sahara transportant les mécanos et le
matériel technique. Ces deux flight
qui avaient décollé de deux bases quelque peu éloignées se posent à Fort Lamy
le 3 septembre 1968, à cinq minutes d’intervalle ! Après avoir reçu leurs
munitions, ils décollent pour Faya-Largeau, (situé à 1000 km au nord). Dès le
lendemain un détachement se pose à Bardaï. A Aozou, où les Toubous encerclent
cet oasis[10] le
poste de l’ANT respire grâce à l’intervention au sol du 6e RIAOM
avec l’appui des AD-4N.
A
ces deux composantes s’ajoute un embryon de force aérienne tchadienne, composé
de cinq DC3 Dakota et de trois MH
1521 Broussard (en 1970, un Cessna
337 « push-pull » dotera le parc avions de « La Tchadienne »). Les
pilotes et mécanos sont détachés de l’Armée de l’Air[11].
La
mise en place d’une base avancée à Mongo est décidée[12]
et la constitution de dépôts de barils de carburant stockés dans les postes
isolés tenus par l’ANT. Résultat, les pleins se font à la pompe à main Japy !
Le grand voisin du nord - avec sa façade
méditerranéenne et ses futures réserves d’or noir -, a un vieux roi. Dans la
nuit du 31 août au 1er septembre 1969, la Libye se trouve un
jeune leader (27 ans). Sous l’œil bienveillant du « Raïs » égyptien
(le colonel Nasser), un certain Mouammar Kadhafi prend le pouvoir, sans
effusion de sang.
« On ne fait pas la guerre au caillou »
Tel aurait pu être l’axiome sur lequel le général
français désigné pour commander cette intervention, aurait du s’appuyer pour
trois raisons géographiques : la faiblesse du peuplement dans ce
Borkou-Ennedi et Tibesti (B.E.T.), l’éloignement et les rares voies d’accès…
Mais
ce commandant des éléments français, refait des opérations de pacification (du
style maintien de l’ordre en Algérie
avant l’arrivée du Général Challe) avec en appui (ou en secours…) « l’aviation ».
Mais,
les avions AD4 N sont des grands consommateurs d’huile (15 litres/heure)
et les possibilités des voilures tournantes ne sont pas sans limites. Les
causes en sont, les distances (le territoire tchadien c’est deux fois et demie la France ) et les conditions
climatiques (chaleur, d’où une portance moindre, poussières et sables
s’infiltrant partout).
On
tente d’innover dans l’appui aérien des troupes au sol, fin janvier 1970, un
Nord 2501 du CEAM arrive de Mont de Marsan et se pose à Faya. Ce Nord POM[13]
est armé de deux canons…
A
terre, les opérations consistent à supprimer chaque fois les menaces contre les
postes tenus par l’ANT, par des interventions localisées et temporaires, donc
sans suites positives… Une série d’accrochages, parfois meurtriers, (et parfois
accompagnés de destruction de palmeraie et de troupeaux) remplissent les
cahiers de marche et les propositions de citation pour la « V.M. »[14]…
Résultat,
les Toubous-Goranes - qui avaient entretenu (pendant quarante ans) des
relations respectueuses et dignes avec des cadres coloniaux (militaires
français) -, deviennent de farouches ennemis ! Le nom de Goukouni Weddeye,
fils d’un chef traditionnel Toubou (« Derdé »), commence à se
prononcer dans les oasis...
Bédo le 11 octobre 1970
Une
compagnie para (la 6e CPIMa) - de retour d’une de ces interventions
et se dirigeant par camion (Dodge 6x6) vers l’oasis de Faya Largeau (chef lieu
du B.E.T.) -, tombe dans une embuscade tendue par les Toubous. Ceux-ci ont
monté ce guet-apen non prévu par le T.T.A.[15].
En effet, les Toubous sont positionnés de part et d’autre de la piste et au
milieu de nulle part… Armés de trois Fusils Mitrailleurs Bren, de fusils Enfield 303
et de carabines Statti ces fiers
guerriers des sables ont fait, malheureusement, un bilan impressionnant :
11 paras tués et 25 blessés !
Le
plus grand hebdomadaire de l’époque, Paris
Match dans son n° 1120, sort en double page la photo des onze cercueils
alignés sous l’ombre parcimonieuse des eucalyptus du camp Dubut à Fort Lamy,
avec en titre : « Mort au
Tchad : Mort sans nom ! ».
L’opinion
publique découvre avec stupéfaction que l’Armée française se bat en Afrique, 8
ans après la fin de la Guerre
d’Algérie… alors que la théorie de riposte nucléaire fait florès dans les
milieux autorisés. La France
s’émeut. La presse titre : « Une
guerre qui n’ose pas dire son nom ». Il y a bien un ministre qui
s’empresse de déclarer que « ce sont des engagés… », pour essayer
d’endiguer la réminiscence douloureuse des retours de cercueils des soldats du
contingent tués lors des « opérations de maintien de l’ordre » en Algérie. Pas
de cérémonie aux Invalides, pas de décret présidentiel attribuant la Légion
d’Honneur à ces soldats morts pour la France… L’actualité chassant l’actualité,
le 9 novembre 1970 : « Le
Général de Gaulle est mort, la
France est veuve ».
Le
commandement positionne deux avions AD4 N en permanence à Faya-Largeau et par
un prompt renfort le nombre de « Sky »
passe de 6 à 9 sur ce théâtre d’opérations tchadiennes. L’E.L.A 1/22 Ain se voit attribuer un insigne « Le
Ramel » (rapace d’Afrique).
On
fait appel à l’Aéronavale… Le Porte-avions Foch de passage au large de Douala,
(port camerounais, mais également ouverture maritime pour le Tchad et la R.C .A.) laisse sa Flottille
d’hélicoptères HSS 1 (Sikorsky S58). Ceux-ci rejoignent Faya Largeau, fin
décembre 1970[16].
En
1971, le FROLINAT est reconnu par le colonel Kadhafi, mais ce soutien ne
s’accompagne pas de livraisons d’armes modernes.
L’intervention
perdure, sous l’appellation suivante : Opération Limousin. Au total, 13
engagements se sont succédés (entre novembre 1969 et octobre 1970). Ces
accrochages entraînent des morts côté français et notamment, parmi eux, un
médecin commandant et le fils du général commandant les troupes françaises.
Le
détachement de l’ALAT avec ses Piper-tri-Pacer est à l’épreuve, résultat :
un de ses appareils est abattu du côté d’Amdagachi et trois membres d’équipage
tués. Les avions et hélicos décollent des pistes « dakotables »
comme, Am Timan, Bardaï, Bilkine, Fada, Faya, Melfi, Mongo, Ounianga Kébir, Oum
Chalouba, Zouar, etc. Les carnets de vol s’enrichissent des noms d’opération
tels que : Améthyste, Éphémère, Criquet, Crocodile, Hyène, Caniche,
Moquette, Cocker, Lévrier, Griffon, Setter, Picardie, Bison alpha.
Pour
le personnel du GMT 059, le séjour dure 9 mois sans permission en métropole,
seuls quelques jours de détente à Douala et sur la B.A 172 sont au
programme : c’est rude par rapport à leurs homologues « OM » affectés pour 18 mois , de la B.A .172 de Fort-Lamy.
Après
quelques « mazout »[17]
(19), pour le « nassara » la
magie des nuits africaines se distillent…
L’Armée
Nationale Tchadienne est dorénavant encadrée (grâce à l’AMT) et des officiers
commandos zaïrois (eux-mêmes instruits par des Israéliens) donnent un vernis
offensif. Le général français quitte le Tchad, en déclarant que « seules quelques bandes de brigands
sont encore à l’œuvre »…
Fin
1972, Tombalbaye, inspiré par le maréchal Mobutu président du Zaïre, se lance
dans un programme « d’authenticité africaine ». Il invente une
religion et préconise le Yondo (phase d’initiation des jeunes tchadiens), le
Vodou arrive par des conseillers haïtiens, les prénoms doivent retrouver une
origine africaine (lui-même change son prénom François en Ngarta) et la
capitale Fort Lamy devient N’djamena, le 7 septembre 1973.
Les
ministres et autres hauts fonctionnaires adoptent le costume zaïrois ce que
traduit le franco-tchadien par l’expression « abacoste » (à bas le
costume cravate).
Début
de la période N’Djamena…
En
1973, le président tchadien Ngarta Tombalbaye - sous l’influence de ses
conseillers haïtiens -, desserre les liens avec la France et noue des
relations avec le Soudan et la
Libye. En échange de l’arrêt du soutien au FROLINAT,
Tombalbaye cède aux Libyens, la bande d’Aozou (l’équivalent d’un cinquième de la France ).
Les
autorités françaises n’en prennent pas ombrage et le colonel Kadhafi est reçu
par le Président Pompidou à Paris. Cette visite officielle se concrétise par la
vente de 32 Mirages F1 avec à la clé la formation des pilotes et le soutien
technique.
Pierre
Messmer vient de succéder comme Premier Ministre à Jacques Chaban-Delmas ;
l’ancien ministre des Armées du Général de Gaulle (nommé en février 1960 au
moment des « barricades » d’Alger) ne veut pas que les militaires français
revivent le syndrome de la fin de l’Algérie française dans ce grand bac à sable
qu’est le Tchad.
L’Armée
française se retire officiellement et la Base Aérienne 172
n’existe plus en tant que telle.
Après
plus de 21 000 heures de vol pour « ses grises » et 14 000 pour
ses voilures tournantes, le GMT 059 - avec ses pilotes, ses radionavigants, ses
mécaniciens, ses armuriers et commandos tireurs embarqués -, « plie les
gaules » sans tambour ni trompette. Durant cette première période tchadienne,
cette unité aérienne n’a eu à déplorer aucun tué et ce malgré des missions à
risque, dans un environnement hostile où les Nord 2501 et les H34 Sikorski ont
eu a supporté les tirs nourris de l’ennemi.
Les
membres d’équipage de ce GMT ont su adapter un savoir faire opérationnel au
contexte de ce conflit type « feu de brousse »… Sans oublier le
travail des mécanos qui ont assuré le soutien technique dans des conditions
assez éloignées des règles appliquées au bord de la Soubise (B.A. 721) et du
lac du Bourget (B.A. 725)…
Du
côté de l’ELA 1/22 Ain, au retour de missions d’appui feu, les
« Ramel » peints sur le capot moteur des AD-4N se sont fait parfois des
frayeurs lors des atterrissages[18].
Le
parc aérien de « La
Tchadienne » se voit doter des 6 AD4 N ; ils sont
pilotés par des contractuels français.
Le
2 avril 1974, le Président Pompidou meurt. La France démarre alors une campagne électorale.
Au
Tibesti, le FROLINAT avec Goukouni Weddeye, voit l’émergence d’un gorane,
Hissène Habré. Voyant que Kadhafi a traité avec le pouvoir de Tombalbaye, Habré
a l’idée d’un enlèvement d’Européens. Du côté de Bardaï, il y a un médecin
allemand et sa femme, un coopérant français et une ethnologue/archéologue (Mme
Claustre) : un besoin d’argent et d’armes justifiant ce rapt, « ces « Kirdis[19]
» feront l’affaire » !
21
avril 1974, une première mondiale : l’émergence de l’otage médiatisé…
Durant
ce rezzou, la femme du médecin est tuée, ce qui incite les autorités allemandes
à payer la rançon, le « Azst/daktor » est libéré. Quand au coopérant
français otage, il est utilisé comme chauffeur/mécano par les rebelles Toubous[20],
quelque mois après, il en profite pour s’évader.
Seule
otage restant, l’ethnologue française. La France est en pleine campagne présidentielle et
les tentatives de négociation traînent quelque peu… Valéry Giscard d’Estaing
est élu, il a 47 ans. Il se débarrasse alors du personnel de la cellule
africaine de l’Elysée. Elle sera dirigée par René Journiac. Un nouvel élan est donné
à la « Françafrique » à la manière giscardienne.
Les
médias français s’emparent de l’affaire de l’otage. Lors d’un reportage de « Cinq
colonnes à la une », la
France profonde est affectée à la vue de Françoise Claustre
pleurant, seule assise à même le sable de l’immense désert tchadien.
Le
11 septembre un Mirage IV décolle de Bordeaux Mérignac, mission : reconnaissance
longue durée dans le nord du Tchad. C’est une première pour ce vecteur de la
première génération des F.A.S., il est équipé d’un pod CT-52, de brouilleurs
CT-51 Espadon. Cinq ravitailleurs C-135F sont requis pour ce vol. Le 14
septembre c’est l’opération « Rebelotte », nom de cette seconde
reconnaissance stratégique.
A
Paris, on accepte la demande de Tombalbaye d’envoyer un officier français
(conseiller sécurité à N’djamena) comme négociateur auprès d’Hissène Habré[21].
Le 23 août, Pierre Claustre, le mari, rejoint son épouse. Habré possède tous
les atouts dans cette partie diplomatique. Une exécution des otages est alors
annoncée !
En
1975, l’Harmattan, ce vent historique du nord, va continuer à souffler, mettant
à rude épreuve les esprits. En avril, le général Félix Malloum devient
président après que Ngarta Tombalbaye ait été assassiné. Il s’empresse de
dénoncer l’accord avec la
Libye.
Quant
à l’armée tchadienne, elle monte des opérations au centre et à l’est du pays,
les Pumas de l’ALAT assurent le transport au plus près des accrochages, comme
durant l’opération Koro et d’autres gesticulations de l’ANT. Le pire est évité
et la relation de ces accrochages n’arrive pas aux médias ; ceux-ci sont
accaparés par le départ des Américains de Saïgon, les vietnamiens communistes
sont vainqueurs et le terme de « boat people » va faire la une des
journaux.
Dans
le nord, Habré fort de ses otages réclame de Paris une livraison d’armes (la
demande se chiffre à 17 tonnes !). Le SDECE va organiser cela. Un vol de
DC4 se fait entendre pas très loin de l’Emi Koussi (volcan éteint du Tibesti),
mais Habré/Weddeye sont exigeants sur la qualité des armes livrées ! Les
otages traînent leurs solitudes et en France l’opposition s’indigne et les
rumeurs et autres ragots trouvent un terreau favorable.
Le
25 septembre 1975, du côté d’Aouzou, un Transall se pose sur un terrain des
plus sommaires… Moteurs tournant, par la tranche arrière un civil en descend,
il a, à la main une mallette. Louis Morel, (ancien préfet des Ardennes et
ancien directeur des RG) va remettre 4 millions de Francs (environ 700 000
€) à Habré.
Malloum,
après avoir appris qu’une rançon et des armes ont été livrées, exige le retrait
de tous les militaires français. Le 27 octobre 1975, le dernier soldat français
quitte le Tchad. Dans l’indifférence générale. Mais la saga des ailes
françaises au Tchad allait perdurer en ce XXe siècle finissant et en
ce début du XXIe.
[1]
Ce nom viendrait du mot lac que l’idiome - utilisé par les nomades arabes du
nord -, traduit par « lû sad » ou « chad ».
[2] En mars 1900, Fort Lamy a été fondé par
Emmanuel Gentil. Cette agglomération - qui se construit sur la rive droite du
Chari -, prend le nom du Commandant Lamy, tué quelques jours auparavant dans la
bataille de Kousseri. A l’issue de cet affrontement, le chef des forces
autochtones, le sultan esclavagiste Rabah fût décapité.
[3]
La cellule africaine avec une éminence grise (Jacques Foccart) au service du
Général de Gaulle.
[4]
Siège parisien du Service de Documentation Extérieure et de Contre Espionnage
(le SDECE deviendra DGSE en 1981) qui possède une unité aérienne (ELA 1/56
Vaucluse stationnée depuis 1967 sur la
B.A .105 Evreux).
[5] Quoique certains
décrochages permettent de penser que l’appétence à une boisson - l’absinthe -
en vogue dans les années 1920 a pu contrarier quelque peu les visées du
théodolite…
[6] Ou arabe
« choa ». Le franco-tchadien est l’autre langue véhiculaire.
[7] Cette rivalité
ancestrale, se retrouve dans tous les pays du Sahel (Mauritanie/Sénégal ;
Niger, Soudan et Mali…).
[8]
D’après le colonel Jean Chapelle auteur d’un livre intitulé Le peuple tchadien (éditions Harmattan,
1980), le Toubou est un « razzieur » redoutable par sa technique
ancestrale et sa rusticité saharienne.
[9]
De l’ethnie Sara converti au Protestantisme (baptiste).
[10]
Cette mise en place d’aéronefs
préfigurait-elle les futures interventions de l’Armée de l’Air sur la Mauritanie , la Libye et dernièrement le
Mali, on peut le penser… L’ AD4 N avait un moteur de 2700 CV, celui-ci souffrait
beaucoup dans l’air siliceux du Tchad, le résultat était : un changement de
moteur au bout de 300 heures de vol. L’armement du « Sky »
était de 4 canons de 20 mm ,
12 roquettes T10 ou 12 bombes de 250 livres .
[11] A l’exception d’un sergent pilote tchadien,
le reste du personnel est français jusqu’en 1984.
[12]
Dans cette grosse bourgade du centre du pays, l’acteur de cinéma Georges
Marshall avait fait construire des boukarous (construction circulaire avec un
toit conique en chaume) pour héberger les riches amateurs de chasse aux gros
gibiers. Le D.I.H. « air » s’y
installa.
[13]
Nord POM comme Police d’Outre-mer : Cet euphémisme serait-il une recherche
dans la discrétion ? Avec deux AME 621
Oerlikon de 20 mm
montés sur affût aux portes latérales et la partie avant dotée d’une plaque
d’une tonne de blindage (afin de protéger
l’équipage), cette « Grise » armée ne produit pas d’essais
concluants, ses domaines de tirs sont limités. Fin février, ce Nord POM
retrouve l’air humide des Landes.
[14] Le 13 novembre 1968, le ministre de la Défense ouvre la
possibilité de décerner la Croix
de la Valeur
Militaire au personnel servant au Tchad. Aucune médaille
commémorative n’est prévue : en effet, c’est sous la présidence de Valery
Giscard d’Estaing que la médaille coloniale se transforme en médaille Outre-mer
avec une agrafe Tchad et ce en 1980.
[15]
Texte Toutes Armes qui réglemente toutes
les missions et autres fonctions, dans l’Armée de Terre. Au mois d’août 2008, après l’embuscade meurtrière d’Uzbeen
(Afghanistan) le nom de Bédo a resurgi.
[16]
En mars 1971, la 33F retrouve le pont d’envol du
Foch. Bilan des « marins du ciel » : un hélico détruit (l’autre
étant quelque peu abîmé) lors d’une opération de « sling » pour
changer le moteur d’un HSS1 en panne. A Mongo, dans les rangs des mécanos
H34 qui, depuis plus d’un an, utilisent
le palan (voire un tronc de palmier) pour changer « à bras ferme » un
moteur défaillant, on sourit quelque peu… Cette analogie permet de
renforcer l’esprit de corps du détachement de voilures tournantes du GMT 59.
[17]
Chaque conflit où l’Armée française a été impliquée génère des mots et
expressions particulières ; pour le Tchad, on relèvera entre autres : le
« Mazout » (Coca-cola avec whisky), « la Gala » (marque de bière
locale), « le kéké » (arbuste épineux) et le « Golo »
(habitant du Tchad).
[18]
Dans cette escadrille, on déplore un pilote tué en février 1969, son avion
avait percuté la mer, lors d’une démonstration au large de Libreville (Gabon).
[20]
La pauvreté de ces rebelles du FROLINAT se traduisait par un manque de
chauffeurs et un parc de véhicules très modeste (3 Land Rover) ; avec une
partie de la rançon, ils ont pu acquérir un Santana (version ibérique du Land)
et surtout se faire livrer de la nourriture (pâtes alimentaires, sucre, sel)
pour ne pas vivre sur le dos des quelques habitants du B.E.T. et éviter ainsi
les dénonciations…
[21]
Funeste initiative. Pendant huit mois, l’officier français est retenu
prisonnier par les Goranes d’Habré. Voyant qu’il va être exécuté, il demande à
être fusillé. Refus du tandem Weddeye/Habré ; ils font procéder à la
pendaison. Cet officier français s’appelait Commandant Pierre Xavier Galopin.
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