Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France
Le mois de juillet 2015 approche, et avec lui, bien évidemment, le baptême des promotions à l’Ecole de l’air qui se déroulera le vendredi 3 sur
Cent-dix « Poussins » ont été consacrés dans l’enthousiasme à
la grandeur de l’Aviation française
A l’Ecole de l’Air de Salon, ouverte en 1937, une tradition vient d’être
créée. Sa naissance donna lieu à une fête et à une cérémonie infiniment
réconfortante. Les « Poussins » sauront remplacer leurs aînés.
Les Ailes N° 945 du 27 juillet 1939 page 5
Les Ailes N° 945 du 27 juillet 1939 page 5
Istres, juillet 1939
J’ai
vécu à Salon-de-Provence, des heures chargées d’émotions diverses. Essayons de
les traduire.
J’allais
à Salon pour étudier le fonctionnement de l’Ecole et pour assister au
« Grand Zef », c'est-à-dire à la fête montée à l’occasion du baptême
de la promotion achevant la première année. Allais-je trouver l’atmosphère
souhaitée pour la plus grande école d’aviation de France qui, dans le cours de
l’histoire future, pèsera d’un poids considérable dans le destin aérien de
notre pays ? Je n’ai pas été déçu ! Il n’est d’ailleurs qu’à laisser
parler le spectacle de ce jour mémorable du 17 juillet.
Les « Poussins » ont grande
allure
Il
comportait, ce spectacle, plusieurs éléments distincts : une revue, un
divertissement aéro-théâtral, le baptême de la promotion qui devait en être la
pièce centrale, une soirée.
Une
centaine d’avions de tous modèles amenés par les visiteurs de l’Armée de l’Air,
formaient un décor de piste approprié. De nombreuses personnes vinrent des
environs, et un soleil vif souriait dans le ciel de Provence.
La
revue que passa le Général Mouchard me fut une première occasion pour prendre
un contact visuel avec les « poussins ». Ils ont une belle allure
physique et militaire qui est le résultat d’un entraînement très poussé et
assez rude. On fait d’eux, à Salon, des aviateurs mais aussi des soldats. Ils
sont de taille moyenne et le feu sacré les anime. Ils défilent assez bien pour
descendre les Champs-Élysées le 14 juillet 1940
Le
général Mouchard remit la
Cravate de Commandeur au colonel Bonneau, Commandant de
l’Ecole de Salon. Je ne voudrais pas heurter la modestie de ce chef éminent et
sympathique. Je soulignerai toutefois qu’il a réussi dans une tâche difficile.
On ne pouvait souhaiter chef plus capable que lui de tracer les lignes
intellectuelles fondamentales de la nouvelle école, d’orienter son
fonctionnement interne vers des voies fécondes, et de conquérir par surcroît,
le cœur et l’intelligence des « Poussins » et de leurs professeurs.
Le
divertissement aéro-théâtral comportait « l’enlèvement des Sabines »,
grande machine montée par un « Poussin », et jouée par une
quarantaine de ses camarades. Des guerriers bronzés poussèrent des cris variés
et sabrèrent d’autres guerriers pour défendre des sabines qui avaient les
mollets et les bras rudement musclés. Tout cela fut fait avec une grande bonne
volonté.
Comme
un jour de « Grand Zef », tout est permis, j’eusse préféré, pour ma
part, un scénario plus aéronautique. Que les futurs « Poussins » nous
retracent un peu, en les chargeant, leur vie d’école et leurs espérances de
« Poussins » dont l’aile n’est encore que duvet…
Après
que les Sabines eussent été dûment enlevées dans quelques Potez-540, la Patrouille du Capitaine
Fleurquin s’empara pour l’enchantement de tous, de la vaste calotte du ciel. Je
ne l’avais pas vue opérer depuis la fête de l’Air, l’an dernier à Villacoublay.
Ses progrès sont incontestables. Elle a atteint dan certaines figures de haute
voltige, une sorte de perfection qui déchaîne l’enthousiasme. Un magnifique
exemple est ainsi donné aux futurs officiers pilotes.
Non
seulement la Patrouille
est maintenant dans la classe internationale que la France n’atteignait pas, et
de loin, en 1935, lorsque les Italiens vinrent au Bourget nous donner une
éblouissante leçon, mais on peut la considérer comme la plus grande équipe
d’Europe, si ce n’est pas du monde. Un tel résultat a été atteint sans
« casse », car c’est le propre de Fleurquin d’allier une totale
audace à la plus profonde prudence.
A genoux, les « Poussins » !
Enfin,
l’heure du baptême de la
Promotion arriva. Le soleil avait baissé ; la lumière
délicate d’une fin d’après-midi provençale enveloppait l’assistance dans une
grande douceur.
Les
« Poussins » se rangèrent face au drapeau en formant deux masses
sombres, éclairées seulement par la blancheur des casquettes. Mme Mailloux et
deux de ses fils étaient là. Et le cérémonial se déroula.
Ayant
fait ouvrir le ban, le Général Mouchard prononça la phrase sacramentelle :
-
« Quel nom voulez-vous donner à votre
promotion ? »
Un
« Poussin » répondit : - « Promotion Mailloux ».
-
« A genoux les
« Poussins » ! ordonna le Colonel Bonneau. Ce qu’ils firent.
« La
promotion 1938-1940, ajouta le Colonel, s’appellera Promotion
« Lieutenant-Colonel Mailloux »
« Elèves
officiers de l’Ecole de l’Air, je vous félicite du nom symbolique que vous avez
choisi. Je suis sûr que tous, au cours de votre carrière, vous saurez vous
montrer dignes de l’exemple magnifique que nous a laissé le Lieutenant-Colonel
Mailloux, Commandeur de la légion d’Honneur, douze citations ».
Le
Colonel Bonneau donna lecture de la dernière :
« Aviateur
sans peur et sans reproche, qui n’a cessé de consacrer toute sa vie militaire
au service du pays et de l’Aviation.
« Toujours
à des postes de péril ou de devoir, est revenu de la Grande Guerre avec de
nombreuses citations hautement méritées par son courage héroïque.
« Est
aussitôt parti pour le Maroc continuer son apostolat d’officier, et de
nouvelles citations sont venues consacrer sa valeur exceptionnelle.
« S’est
joint ensuite à la grande phalange des aviateurs bâtisseurs de lignes aériennes
et a, en compagnie du regretté Mermoz, exécuté les premières traversées de
l’Atlantique Sud.
« Commandant
la 51e Escadre, il était, pour tout le personnel sous ses ordres, un
exemple aimé et vivant de courage, de hardiesse réfléchie et de modestie. A
trouvé une mort glorieuse à la tête de ses équipages, le 22 avril 1939. Il
avait effectué 3000 heures de vol. »
Cette
lecture achevée, le Colonel Bonneau ordonna alors :
-
« Debout les aspirants » !
Car
les « Poussins » venaient, par la grâce de leur chef, de se muer en
aspirants.
Ceux-ci
entonnèrent alors le chant des Rapaces :
Buvons frais sans nous
faire de bile.
Dans l’Escadrille des
Rapaces,
Le plus vieux a
vingt-quatre ans
Le plus jeune sort de
classe
Capitaine il n’y a plus
d’enfants…
Après
quoi, le drapeau de l’Ecole fut remis en garde à la nouvelle Promotion.
Dans
sa simplicité, la cérémonie ne manquait point de grandeur. Ces jeunes gens sont
la fleur de la France. Le
fait qu’ils se consacraient tout entier, ce soir-là, avec une mâle énergie, à
sa défense, atteignait dans la pénombre une grandeur morale fort émouvante, et
qui n’échappa à personne.
Le
cérémonial du baptême d’une promotion d’élèves-officiers aviateurs est-il pour
autant définitivement fixé ?
Je
veux espérer qu’il ne l’est pas encore. Ce que je viens de rapporter est trop
directement inspiré du « Triomphe » de Saint-Cyr. L’affabulation
aérienne dans laquelle il faut, à mon avis, toujours rester, fait un peu
défaut. Au surplus, le chant des « Rapaces » n’est pas d’une tenue
entièrement satisfaisante. Mais la tradition est lancée. C’est l’essentiel.
Elle évoluera dans l’avenir, seront ses propres lois.
Le
Colonel Bonneau et ses collaborateurs du cadre de l’Ecole et la Promotion Mailloux
peuvent, en tout cas, être fiers du succès de bon aloi remporté par le premier
« Grand Zef ». Une nombreuse assistance s’est trouvée plongée dans
une atmosphère aérienne salubre où règnent seuls le désintéressement et l’amour
de la Patrie
et de l’Aviation.
Bref,
une tradition a été créée dans une Ecole qui commence à prendre une remarquable
allure, du moins quant à l’esprit qui y règne et aux méthodes de formation des
officiers. Car, pour le reste, on vit à Salon, dans des installations
provisoires où beaucoup de choses manquent toujours.
Le
« Grand Zef » fut donc pour ceux qui savaient voir et comprendre une
manifestation infiniment réconfortante.
André
Lanceron
N.B.
– Le Colonel Bonneau souhaite que l’Ecole de l’Air soit nommée dans le public
« Ecole de Salon », comme l’on dit « Ecole de Saint-Cyr ».
Il a raison.
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