Christian BRUN, Guillaume MULLER, Yousra OUIZZANE
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air, France
Une
transition mouvementée (novembre 1942-juillet 1943)
Quand l’École de l’air est
dissoute, fin novembre 1942, les promotions sont plus ou moins livrées à
elles-mêmes. La promotion Tricaud, tout juste arrivée, est le symbole de cette période
difficile pour les élèves-officiers de l’Armée de l’Air. Beaucoup d’anciens
élèves sont marqués, voire choqués, par l’absence de leurs cadres, comme le
souligne le général Saint-Cricq, notamment lors de la prise de la base par les
Allemands, le 27 novembre 1942, avec le « sentiment que le sort de chacun
allait dépendre davantage de l’initiative individuelle que d’une hiérarchie
et d’un système qui semblaient s’être volatilisés au premier choc
contraire ». De plus, des armes automatiques ont été déployées devant les
hangars par le commandement de l’École, pour prévenir toute tentative de fuite
par voie aérienne.
Après avoir déposé leurs armes dans la salle des Marbres du BDE, les élèves sont sommés de retourner dans leurs foyers. Mais à l’heure où le Service du Travail Obligatoire (STO) se met en place, le désœuvrement est un danger pour de jeunes hommes.
Cadres de la promotion 1943 AFN |
Après avoir déposé leurs armes dans la salle des Marbres du BDE, les élèves sont sommés de retourner dans leurs foyers. Mais à l’heure où le Service du Travail Obligatoire (STO) se met en place, le désœuvrement est un danger pour de jeunes hommes.
Le gouvernement de Vichy cherche à protéger
ses futurs officiers, notamment en les intégrant dans les groupements de
Jeunesse et Montagne, équivalent « aérien » des Chantiers de Jeunesse.
Officiellement, l’entrée dans Jeunesse et Montagne se fait sur volontariat,
mais en réalité, les élèves de l’École de l’Air n’ont guère le choix, s’ils
veulent conserver le bénéfice du concours qu’ils ont réussi. Certains peuvent
néanmoins rejoindre de grandes écoles, entre autres : Sup Elec., Sciences Po.
Paris et l’École des Mines de Saint-Étienne.
Même si beaucoup se retrouvent enrôlés dans le mouvement Jeunesse et Montagne, les
élèves de l’École de l’Air n’en demeurent pas moins dispersés. D’abord, car les
divers groupements sont éloignés géographiquement (Savoie, Dauphiné, Pyrénées),
ensuite, parce qu’une équipe ne compte que 24 « volontaires » plus un chef de
groupe. Ces équipes vivent en quasi autarcie dans des chalets isolés. La
présence dans l’organisation ne pouvant excéder un an, certains élèves sont
ensuite détachés dans de grandes écoles et rejoignent ainsi leurs camarades.
D’autres sont versés dans la défense passive. L’objectif principal est toujours
de leur éviter le STO.
La vie dans les groupements de Jeunesse et Montagne est
éloignée de ce à quoi pouvaient aspirer de futurs officiers de l’Armée de
l’Air. En effet, il n’est plus guère question de formation ou de
sensibilisation au pilotage, même de manière clandestine comme en 1941. Aussi,
certains entreprennent de rejoindre l’Afrique du Nord. à la suite du
débarquement américain en juin 1943, la mise en place du Comité Français de
Libération Nationale (CFLN) laisse espérer une bien meilleure situation que la vie
en montagne sous le regard des puissances occupantes.
Ils sont neuf de la
promotion Tricaud à effectuer le voyage à leurs risques et périls : deux arrivent
dès avril 1943, les autres entre octobre et novembre de la même année. Maurice
Saint-Cricq, futur commandant de l’École de l’Air et futur CEMAA, fait partie
de ceux-là. Il a réussi à rejoindre le Maroc en passant par l’Espagne, où il a
été interné dans le camp de Miranda. Jean-Marc Pineau effectue un parcours similaire.
Ils intègrent alors l’École de l’Air qui se reforme à Marrakech. Ces élèves
assurent le transfert des traditions entre les deux rives de la Méditerranée.
Le 3 juillet
1943, l’Armée de l’Air renaît, grâce à la fusion des Forces Aériennes
Françaises Libres (FAFL, commandées par le général Valin) et de l’aviation
d’Afrique du général Bouscat. Ce dernier est nommé Chef d’Etat Major de l’Armée
de l’Air. Successeur du général Mendigal à la tête de l’aviation d’Afrique, il
avait préparé la fusion avec les FAFL Dans ce but, il avait réorganisé le haut
commandement aérien en écartant les personnalités trop proches de Vichy. C’est
dans ce contexte qu’est créée l’École de l’Air à Marrakech, sur Ordonnance du
1er juillet 1943. L’idée de sa création date de fin 1942, date à laquelle
plusieurs Écoles sont recréées en AFN. Au Maroc, on retrouve une École de perfectionnement
du personnel navigant, créée le 1er janvier 1943. Elle comprend une école de
pilotage (Kasbah Tadla), et une école de tir aérien et de spécialistes
(Agadir). De cette école dépend aussi l’École d’Application du Personnel
Navigant (EAPN), qui est positionnée à Marrakech, ville qui compte également
une école des cadres (dont une partie deviendra, par la suite, l’École
Militaire de l’Air). La durée des études à l’École de l’Air, en principe de
deux années, est réduite à une seule en temps de guerre. Les activités doivent
démarrer le 20 juillet 1943. Il est prévu que les élèves retournent à l’École
après la guerre pour recevoir un complément d’instruction. En raison des
événements, les jeunes résidant en AFN ne pouvaient plus passer les concours des
grandes écoles organisés en métropole. Le concours de l’École de l’Air est donc
organisé à Miliana (Algérie) et à Casablanca (Maroc). L’École Navale et
Saint-Cyr font de même.
Dès la fin de l’année 1942, certains élèves sont placés
dans des Pelotons Préparatoires à l’École de l’Air (PPEA), à Casablanca et à
Alger (puis Miliana). Les écrits ont lieu le 31 mai 1943 et l’oral le 10 juin :
41 candidats sont reçus au dépôt de Blida, d’où ils partiront pour Marrakech.
Ils y arrivent le 17 juillet, trois jours avant le début de leur formation. La
promotion 1943 AFN, est donc issue d’un recrutement local, de même que la 1944
AFN. à ce titre, ses membres seront souvent stigmatisés après la guerre.
Le
CFLN choisit le commandant Dartois pour recréer et commander l’École, car il a
été l’un des rares représentants de l’Armée de l’Air à participer à la
conférence de Cherchell en octobre 1942, dont le but était de préparer le
débarquement américain en Afrique du Nord. Membre du réseau Alliance et des «
Conjurés d’Alger », dissidents préférant Giraud à Darlan, Dartois est indéniablement
de sensibilité giraudiste.
Outre sa fonction première de formation, l’École de
l’Air doit contribuer à l’amélioration de l’image des aviateurs français auprès
des Alliés. Les forces aériennes d’Afrique du Nord ont en effet été les forces
les plus virulentes dans l’opposition au débarquement. Parmi les aviateurs qui
trouvent la mort dans les combats aériens contre les Américains, on note le
commandant Tricaud, parrain de la promotion 1942. L’objectif est ainsi de
faciliter puis d’accélérer le réarmement de l’Armée de l’Air. Il s’agit aussi
de sauvegarder son indépendance, menacée un temps par le retour des débats de
l’entre-deux-guerres, Giraud n’étant pas opposé à un retour de l’Armée de l’Air
dans le giron de l’Armée de Terre. Former ses propres officiers est donc une
garantie supplémentaire pour l’indépendance des forces aériennes.
Sources bibliographiques
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de l’air de Vichy (1940-1944), SHAA, 1997.
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quarante-deux, Le Piège, n° 104, mars 1986.
Cardot, Jean, Promotion
Dagnaux 1941, Le Piège, n° 107, décembre 1986.
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d’un « piégeard » évadé, 1942-1943, Le Piège, n° 189, juin 2007.
Chabot, Jean-Pierre, Journal
d’un « piégeard » évadé, 1942-1943 (suite et fin), Le Piège, n° 190,
septembre 2007.
Chesnais, René, 1943-1993,
il y a cinquante ans, les trois évasions de L. Julienne, Le Piège, n° 134,
septembre 1993.
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l’Air, Revue Historique des Armées, hors série 1/1969.
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décembre 1984.
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Lecoq, François, Quand Salon
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L’illustration n°5155, L’émouvant
baptême de la promotion Steunou à l’École de l’Air, 27 décembre 1941.
Pestre, Albert, A quoi tient
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Robineau, Lucien, L’Armée de
l’Air à la veille de la
Seconde Guerre mondiale, n° 112, mars 1988.
Saint-Cricq, Maurice, 1942-1943
ou les tribulations d’un poussin de la Tricaud dans sa première année de « piège »,
Le Piège, n° 105, juillet 1986.
Sources dactylographiées
(archives de l’École de l’Air)
Bombezin, Marcel, François
Cazenave, capitaine-aviateur, 1921-1953, Rapport dactylographié, archives
de l’École de l’Air.
Quarantième anniversaire à
l’École de l’Air de la promotion « Tricaud », Rapport dactylographié,
archives de l’École de l’Air, 1982.
Cinquantième anniversaire à
l’École de l’Air de la promotion « Tricaud », Rapport dactylographié,
archives de l’École de l’Air, 1992.
Promotion 1943 AFN, «
Capitaine Thouvenin de Villaret », Rapport dactylographié, archives de
l’École de l’Air, 1997.
Quand Salon s’appelait
Marrakech, Promotion 1944 AFN, « Lieutenant Charles de Tedesco », Rapport
dactylographié, archives de l’École de l’Air, 1997.
Promotion 1941 « Lieutenant
– Colonel Dagnaux », Album promotion, archives de l’École de l’Air.
Sources archivistiques (Service
Historique de la Défense
- Département Armée de l’Air)
3 D 10 : Organisation de
l’École de l’Air de Salon ; Août – Septembre 1941.
3 D 24 : Organisation des
écoles et questions s’y rapportant ; 1940 – 1942.
3 D 25 : Organisation de
Jeunesse et Montagne ; 1942 – 1944.
3 D 100 : École de l’Air de
Salon ; 1941 – 1944.
3 D
101 : Jeunesse et Montagne ; 1941 – 1944.
3 D 278 : Concours d’entrée à
l’École de l’Air en 1943 ; janvier-août 1943.
3 D 285 : Organisation des
écoles de l’Armée de l’Air - École de l’Air de Salon-de-Provence ; 1940-1943.
3 D 327 : Organisation de
l’École de l’Air ; janvier-décembre 1941.
3 D 367 : Dossier 1-École de
l’Air ; 1941 – 1944.
3 D 423 : Promotions 1941-1943
de l’École de Salon ; janvier-octobre 1942.
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