mercredi 17 décembre 2014

Construction identitaire : la naissance de l’aviateur

Camille BRUN et Christian BRUN
Centre de Recherche de l’Armée de l’air (CReA), École de l’Air, 13 661, Salon Air, France

L'identité de l'aviateur est une notion polymorphe, difficile à saisir. Les traditions, les relations entre individus et entre corps, les évolutions historiques, les différents conflits qui ont émaillé tout le XXème siècle, les périodes difficiles qui ont entraîné des contraintes budgétaires, les innovations doctrinales qui ont engendré des adaptations parfois pénibles, sont des facteurs explicatifs permettant d’approcher une compréhension globale de cette identité. Aussi, afin d’appréhender le plus simplement les différentes étapes de cette construction, nous allons cheminer tout au long de l’histoire de l’aéronautique.
C’est tout d’abord vers les pionniers de l’aviation qu’il faut se tourner, vers ces aventuriers, ces ingénieurs, ces inventeurs, qui ont permis de réaliser le mythe Icarien. Ce sont les premiers artisans du vol, ceux qui vont offrir aux « merveilleux fous volants », les premières machines fonctionnelles. Ce sont eux aussi qui vont insuffler la part de rêve, qui caractérise le monde du vol et de l’aviation. Ce sont ces découvreurs qui vont faire revivre le mythe de la « verticalité ascendante », de l’envol.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85095959.r=Et+cera+deo+propiore+liquescit+.langFR

Ils vont laisser la place aux techniciens qui vont apporter avec eux une façon de vivre, de travailler, de préparer, de mettre au point la machine, en quelque sorte les premiers pilotes d’essai. Le temps du rêve a donc laissé la place au domaine technique. Parallèlement, ces pilotes vont travailler avec des mécaniciens issus, la plupart du temps, du monde de l’automobile. Ces spécialistes ont pratiquement tous été formés au sein des Arts et Métiers, école où les traditions sont fortes. Elles seront donc reprises par le monde de l’aéronautique et perdureront jusqu’à nos jours. Ces mécaniciens vont également amener des pratiques empiriques spécifiques et une approche professionnelle particulière. 
Puis viendra le monde des sportifs et celui des records, des exploits, des performances : toujours plus haut, toujours plus loin, toujours plus vite. C’est le temps des « pilotes », de la déification du personnage, de la sacralisation du « volant », de celui qui a dompté définitivement la machine : un deus ex machina. C’est donc la naissance de l’aviateur professionnel. Il va transformer la machine fonctionnelle en avion opérationnel. Il sera à l’origine de cette image qui caractérise toujours le pilote d’aujourd’hui et que Mortane va immortaliser sous les traits d’un « torero des airs », c'est-à-dire de quelqu’un qui pilote et maîtrise l’appareil selon des règles précises et parfaitement codifiées.
Ainsi, de 1890 à 1913, c’est tout un socle identitaire basé sur des expériences et des réalisations, sur des spécialistes et sur des images, qui se met en place. De ces soubassements va surgir le couple mythique et originel de l’aviation en général et de l’Armée de l’air en particulier : le pilote et le mécanicien. Avec la Grande Guerre, l’avion devient opérationnel et l’aviateur se militarise, se professionnalise, se spécialise. Dans ce contexte, va naître une image fabriquée, celle du chasseur et de l’As de l’aviation.


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