Christian BRUN
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661,
Salon Air, France
Les débuts :
1933-1938
La fin de la
décennie 1920 est marquée par un débat entre les tenants et les opposants à la
création d’une armée de l’air indépendante de l’armée de terre et de la marine.
Le 1er avril 1933, le président Lebrun signe un décret ministériel qui
constitue l’acte de naissance de cette nouvelle armée. Ce texte fixe les
principes généraux d’emploi et d’organisation de l’armée de l’air. Les
officiers servant au sein de l’armée de l’air sont désormais formés dans une
école qui lui est propre.
Le site géographique accueillant l’Ecole de l’air doit respecter quatre critères : implantation sur un aérodrome, région à la météorologie clémente, proximité d’une ville universitaire, proximité d’une garnison et d’un port. Plusieurs régions sont candidates : Versailles/Saint-Cyr, Orléans, Bordeaux, Montpellier, Salon/Berre.
Construction du futur Bâtiment de la Direction de l'Enseignement (BDE) |
Le site géographique accueillant l’Ecole de l’air doit respecter quatre critères : implantation sur un aérodrome, région à la météorologie clémente, proximité d’une ville universitaire, proximité d’une garnison et d’un port. Plusieurs régions sont candidates : Versailles/Saint-Cyr, Orléans, Bordeaux, Montpellier, Salon/Berre.
Le choix final
se porte sur Salon. Cette annonce soulève une polémique. Le journal Les
Ailes, dans son numéro 622 du 18 mai 1933, publie un article intitulé « Où
doit-on installer l’Ecole de l’air ? » qui critique le
choix du gouvernement :
« Comme il
était à prévoir, l’annonce que l’Ecole de l’air serait installée à
Salon-de-Provence a provoqué quelque surprise dans les milieux aéronautiques (…).
« Il a
beaucoup été question, depuis quelques années, de la décentralisation
géographique des usines et des escadres (…) le
Ministère de l’Air opère peu à peu, sur le littoral méditerranéen, c’est-à-dire
sur une frontière aérienne particulièrement accessible, une concentration qui
place de nombreux organes essentiels de notre Aéronautique, à portée immédiate
des avions et des canons italiens (…).
« Ainsi
donc, les éléments vitaux de notre défense en Méditerranée, et les écoles
fondamentales des Forces Aériennes vont être concentrées dans une zone distante
de trois cent kilomètres des points de départ d’une attaque éventuelle, et
cela, dans une région où les nuits sont belles, où les jours présentent des
plafonds permettant l’attaque à haute altitude, hors de l’atteinte de la D.C.A.
« Dans
ces conditions, n’est-il pas permis de se demander s’il est opportun d’ajouter
à l’Ecole d’Istres, une autre école tout aussi essentielle, et qui, dans
l’hypothèse d’un conflit en Méditerranée, devrait être rapidement transférée
ailleurs ? »
En prévision
de l’installation de l’Ecole de l’air, des terrains situés sur les communes de
Salon-de-Provence et de Lançon-de-Provence sont achetés. La première promotion de
l’Ecole de l’air est rassemblée en 1935 à Versailles. Cette même année commence
les travaux de construction à Salon avec le montage de hangars.
En juillet 1937
est fixée la composition du Centre école de Salon : un groupe d’instruction
d’aérostation, un bataillon de l’air, un groupe d’instruction d’aviation qui
comprend des moyens généraux d’instruction des services techniques et un
service avions (32 appareils). Durant cette année les travaux s’intensifient
pour permettre à l’Ecole de l’air de s’installer en Provence dans des locaux
provisoires.
L’année
suivante débute l’édification du Bâtiment direction enseignement, BDE, appelé à
tort depuis à Bâtiment des études ou Bâtiment des élèves.
Effectifs stationnés à Salon en 1ère
urgence en 1937
Personnels
|
Effectifs
|
Officiers
|
77
|
Sous-officiers
|
411
|
Hommes de troupe
|
941
|
Officiers-élèves
|
300
|
Elèves-officiers
|
200
|
Total
|
1929
|
Avions
|
Effectifs
|
Avions en ligne
|
185
|
Avions en volant
|
70
|
Total
|
255
|
Le temps des
incertitudes : 1939-1945
Lorsque la
Seconde Guerre mondiale s’annonce imminente les autorités françaises, craignant
des bombardements aériens, font déplacer le site de l’Ecole de l’air. Celle-ci
reçoit fin août 1939 l’ordre de se replier à Bordeaux. Après l’armistice du 22
juin 1940, l’école est fermée. Cependant la base de Salon accueille plusieurs
unités : le commandement des Forces aériennes n°37, le groupe de chasse
I/6, des échelons roulants, 4 compagnies de l’air, 2 bataillons de l’air. La
quasi-totalité de ces unités est ensuite démobilisée. Fin 1941 l’Ecole de l’air
est autorisée à se réinstaller en Provence. En novembre 1942, après l’invasion
par les Allemands de la zone libre, la Wehrmacht occupe le site de Salon. Les
promotions d’élèves sont dispersées sur différents sites en France et à
l’étranger. La base aérienne de Salon subie trois bombardements successifs de
l’aviation alliée.
Après la
libération de la région provençale en 1944, un détachement de l’armée de l’air
découvre le site de Salon dans un état affligeant. La base, en grande partie
détruite, doit être rétablie pour accueillir de nouveau l’Ecole de l’air. Du
grand ensemble d’avant-guerre, il ne subsiste plus qu’une partie du BDE, les
hangars, la maison des élèves et le mas de Lurian. Les hangars du groupe nord
sont éventrés, l’aile est du BDE a été dynamitée par les Allemands avant leur
retraite et les installations de la base ont été pratiquement vidées. La
reconstruction des bâtiments principaux débute fin 1945. La base accueille
alors l’Etat-major de la 5e escadre de chasse et deux de ses
groupes. Elle comprend alors le terrain et ses hangars, les bâtiments de
l’Ecole de l’air, le camp de baraques occupé par le Centre de rassemblement et
d’administration du personnel (CRAP), l’usine de Lurian et le château
réquisitionné.
La reconstruction
: 1946-1957
En 1946 est
créée la « Base n°151 » qui assure le soutien des unités implantées
sur le site de Salon. Constituée en unité formant corps, cette base équipée
comprend : des services administratifs, des services généraux, un atelier
de base, trois compagnies administratives. Au mois de juin, la base prend le
nom de « Base école 701 – Ecole de l’air ». Son organisation est la
suivante : commandement de la base école, division d’instruction, moyens
généraux, services techniques. Le Centre de montagne d’Ancelle lui est
rattaché. En 1947 la base de Salon prend l’appellation de « Base école
701 » et se dote d’une piscine.
Fin 1948 la
subordination de la base est à nouveau modifiée. Désormais elle relève du
général « Commandant supérieur des Ecoles de l’air et Commandant le 3e
Région aérienne » en ce qui concerne : l’emploi, les programmes
d’instruction et les méthodes pédagogiques, la diffusion des documents techniques,
la gestion du personnel et du matériel de la Division d’instruction et des
services techniques. La base relève du général commandant la 4e
Région aérienne pour les questions d’ordre territorial, les questions du
personnel et du matériel des moyens généraux de la base école.
En 1949 la
« Base école 701 » devient « Base aérienne n°701 à Salon ».
Le mauvais état des pistes de décollage et d’atterrissage est signalé plusieurs
fois. La situation s’aggravant, une note de juillet 1950 précise :
« I – La plate-forme de Salon est
constituée par un sol à base de limon (…). Les avions qui utilisent ce
terrain y provoquent des déformations, lesquelles à leur tour agissent sur les
appareils auxquels elles causent certains dégâts.
« II –
En outre, pendant les précipitations, l’eau de ruissellement ne s’infiltre que
dans le sol, rendant la piste impraticable pendant une assez longue durée.
« Pour
lutter contre les déformations de la plate-forme au fur et à mesure qu’elles se
produisent, un rouleau compresseur travaille en permanence sur la Base. Mais
ses effets sont très limités. On peut tout au plus espérer qu’ils empêcheront
une aggravation de l’état de la plate-forme.
« III
– Ces défectuosités ont conduit le Commandant de la Base à utiliser au maximum
les pistes annexes de Salon. Il a même envisagé, au cours de l’hiver dernier,
d’utiliser la piste d’Orange pendant toute la période durant laquelle les
pluies rendaient la piste impraticable.
« IV –
Le seul remède sérieux à cet état de chose réside dans la construction d’une
piste à revêtement. Cette solution a été retenue par l’Etat-major général des
Forces armées « Air » qui a prévu au projet de budget de 1951 les
crédits nécessaires à cette réalisation. »
Le
commandement de la base entame le développement d’un plan d’infrastructure
cohérent avec la mise en place progressive d’installations définitives. Une
infirmerie est construite. En 1951 viennent s’ajouter une piste de 1 000 m,
une tour de contrôle et une station météorologique. En 1952 la base devient « Base
école des officiers de l’armée de l’air ». Le commandant de la base groupe
sous son autorité : l’Ecole de l’air, l’Ecole militaire de l’air, le
groupement d’instruction, la bataillon de l’air, la parc de base aérienne, le
contrôle local d’aérodrome.
Devant le BDE
est aménagée la place d’arme
« Pelletier-Doisy » et une section de protection est mise sur pied. Le
confort des élèves augmente avec la construction d’un gymnase et des bâtiments
« Brocard », « Testart » et « Valin » pour leur
logement.
1954 voit un
accroissement appréciable de l’activité aérienne avec l’achèvement d’une piste
en dur en béton qui permet la mise en œuvre d’avions de combat modernes. Ainsi
arrive en 1956 le Fouga CM 170 Magister, premier véritable avion
d’entraînement à réaction au monde.
Effectifs stationnés à Salon au 1er
mars 1956, pour 722 élèves à l’instruction
(161 officiers et 561 sous-officiers)
Unités
|
Officiers
|
Sous-officiers
|
Hommes de
troupe
|
Total
|
Commandement de la Base
école 701 et de la Division d’Instruction
|
118
|
255
|
178
|
551
|
Bataillon de l’Air 1/701
|
18
|
114
|
403
|
525
|
Atelier Magasin de Base
10/701
|
4
|
55
|
67
|
126
|
Groupe d’entretien
principal 13/701
|
5
|
123
|
150
|
278
|
Parc spécialisé régional
15/701
|
6
|
83
|
72
|
161
|
Contrôle local d’aérodromme
Type I 20/701
|
2
|
15
|
6
|
23
|
Station météo militaire
Type II 22/701
|
0
|
3
|
7
|
10
|
Section de protection Type
I 35/701
|
1
|
3
|
37
|
41
|
Section de transmissions
84/701
|
1
|
37
|
26
|
64
|
Totaux
|
155
|
688
|
946
|
1789 (*)
|
(*) Dans le total est compris le contingent maintenu
en raison des affaires d’Algérie.
L'ouverture sur le
monde : 1958-1989
En 1958 le
maréchal Juin effectue une visite à Salon. Deux ans plus tard c’est le tour du
président de la République, le général de Gaulle, et en 1963 du ministre des
Armées Pierre Messmer.
L’enseignement
devient homogène et s’ouvre sur la « sphère civile » : des liens
sont développés avec les universités d’Aix-Marseille. En 1964 la base reprend
définitivement l’appellation « Base Aérienne n°701 » et la patrouille
de l’Ecole de l’air prend le nom de « Patrouille de France ». L’organisation
est modifiée tandis que des moyens administratifs) apparaissent.
Le rôle de la
base aérienne est de rassembler et de mettre en œuvre les moyens nécessaires au
fonctionnement de l’Ecole. Elle comprend six entités. Les moyens opérationnels
gèrent la plate-forme, à ce titre ils assurent la mise en condition du support
opérationnel des unités aériennes. Les moyens techniques assurent la
maintenance, la gestion et l’entretien de la quasi-totalité du matériel
technique. Les moyens administratifs concernent l’administration du personnel
et, partiellement, celle des élèves. Les moyens généraux exercent leur action
dans les domaines du transport, de l’armement, des mess, du logement, de la
sécurité incendie, du social, de la protection. Sont aussi concernés le service
médical et la section de transmissions.
Dans une brochure
publiée en 1965 pour le trentenaire de l’Ecole de l’air, celle-ci et ses élèves
officiers sont peints sur le vif :
« Riche
d’un passé plus chargé de gloire que d’ans, mais forte des traditions et des
vertus que lui ont léguées ses anciens,
l’Ecole de l’air ne peut faillir à la tâche qui lui est confiée de former les
officiers de l’arme la plus technique tant par la complexité de son matériel
aérien que par la perfection demandée à ses installations de détection, de
contrôle et de transmission.
« A
ces officiers qui auront à connaître les techniques les plus modernes de l’air
et de l’espace le conseil de perfectionnement de l’Ecole a décidé en 1959 de
donner une forte culture scientifique et technique. Cette décision s’est
concrétisée par l’instruction ministérielle du 20 janvier 1962 qui a fixé les
nouveaux programmes de l’Ecole. La difficulté qu’ont rencontré les rédacteurs
de ces programmes est double. D’une part les techniques aéronautiques sont si
vastes qu’aucun esprit ne serait assez puissant pour les assimiler toutes.
D’autre part, elles évoluent avec tant de rapidité que les techniques
enseignées à l’Aspirant risquent de n’être d’aucune utilité au Commandant qu’il
deviendra 10 ans après. D’où le double écueil que les programmes doivent
éviter : vouloir donner aux élèves une vue générale de toutes les
techniques, un vernis scientifique qui ne tardera pas à s’écailler ou, deuxième
écueil, leur surcharger l’esprit de détails technologiques approfondis qui se
démoderont avant leur arrivée en formation. »
A partir de
1967 la base évolue au gré des restructurations de l’armée de l’air avec, tout
d’abord, l’arrivée d’un détachement de l’Escadron de liaison aérienne d’Aix les
Milles. L’année suivante apparaît « L’équipe de voltige de l’armée de
l’air » puis la Division des vols
chargée de la formation initiale des élèves officiers pilotes.
Une modernisation
constante : 1990-2010
1990 voit
la création de la Section de vol à voile et 1992 l’implantation à Salon d’une
antenne de l’Office national d’étude et de recherche aérospatiale qui permet
aux élèves officiers d’être en contact avec les technologies de pointe. La même
année la base aérienne de Salon-de-Provence reçoit comme nom de baptême celui
de « Général Pineau », du nom de son premier commandant de base. En
1994 est regroupé sur ce site la formation de tous les officiers de l’armée de
l’air. L’Ecole de l’aéronautique navale assure la formation des futurs pilotes
et ingénieurs de l’aviation navale. A partir de 1995 les Embraer EMB 312 Tucano
remplacent les Fouga Magister.
En 2002 est mis
en place le CReA, Centre de recherche de l’armée de l’air, qui remplit une
triple mission : recherche fondamentale, recherche appliquée au profit de
l’armée de l’air, enseignement. L’année suivante est installé l’Etat-major de
la zone aérienne de défense Sud. La formation initiale des pilotes de l’armée
de l’air monte en puissance : en 2005 la Division des vols devient l’Ecole
de pilotage et de formation des navigateurs de l’armée de l’air (EPNAA), la
section vol à voile devient Centre d’initiation à l’aéronautique militaire
(CIAM), en 2006 arrivent les premiers TB10.
La formation
des officiers de l’armée de l’air est modernisée avec la création en 2007 des
Ecoles d’officiers de l’armée de l’air (EOAA) garantissant la continuité de cette
formation et un Etat-major veillant à la cohérence de celle-ci. La base
aérienne 701 de Salon-de-Provence assure le soutien des EOAA, du Groupement des
écoles d’administration de l’armée de l’air et des Equipes de présentation de
l’armée de l’air. Le fonctionnement de la base s’accorde avec celui des écoles.
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