Christian BRUN
Centre de Recherche de l’Armée de l’air (CReA), École de l’Air, 13 661, Salon Air, France
De l’intérêt du monde militaire pour la chose
éthique
La première question que l’on
doit se poser, pour répondre aux questionnements que cette présentation est censée
soulever, est la suivante : pourquoi cet engouement actuel pour le fait
éthique et son enseignement au sein des forces armées dans différents pays en
général, et dans les pays intervenant au sein des institutions
internationales en particulier ? Cette question peut sembler naïve et la
réponse d’une logique implacable, mais même si par essence l’Armée se doit de
transmettre des concepts « moraux », il est actuellement
indispensable de repenser ces concepts et surtout la façon de les aborder et de
les présenter.
En effet, nous pensons que jusqu’à présent les cours d’éthique ou considérés comme tels, n’étaient probablement plus adaptés, du fait de l’évolution de la nature des conflits et de ses conséquences, mais également parce que des changements sont intervenus dans les systèmes hiérarchiques militaires[1]. C’est certainement pour ces deux raisons que depuis les années 1990, les armées confrontées directement aux problèmes touchant de près ou de loin aux éléments de la chaîne décisionnelle (ordre à exécuter, dilemme, choix, prise de décision, ordre à faire exécuter, action, comportement, retour d’expérience) ont mené des réflexions de fond sur les enseignements à transmettre auprès des futurs officiers dans les différentes écoles militaires. Nous tenons toutefois à souligner que ces réflexions, si ce n’est pas déjà le cas, devraient être menées au sein de toutes les écoles de formation militaire. En effet, dans la démarche décisionnelle, dont nous venons de lister les différents éléments constitutifs, il semble évident que l’ordre à exécuter tout comme l’ordre à faire exécuter, sur le terrain, le seront par un officier, un sous-officier ou un militaire du rang. D’où l’importance, à travers cet enseignement, de susciter la réflexion de tous les actants.
En effet, nous pensons que jusqu’à présent les cours d’éthique ou considérés comme tels, n’étaient probablement plus adaptés, du fait de l’évolution de la nature des conflits et de ses conséquences, mais également parce que des changements sont intervenus dans les systèmes hiérarchiques militaires[1]. C’est certainement pour ces deux raisons que depuis les années 1990, les armées confrontées directement aux problèmes touchant de près ou de loin aux éléments de la chaîne décisionnelle (ordre à exécuter, dilemme, choix, prise de décision, ordre à faire exécuter, action, comportement, retour d’expérience) ont mené des réflexions de fond sur les enseignements à transmettre auprès des futurs officiers dans les différentes écoles militaires. Nous tenons toutefois à souligner que ces réflexions, si ce n’est pas déjà le cas, devraient être menées au sein de toutes les écoles de formation militaire. En effet, dans la démarche décisionnelle, dont nous venons de lister les différents éléments constitutifs, il semble évident que l’ordre à exécuter tout comme l’ordre à faire exécuter, sur le terrain, le seront par un officier, un sous-officier ou un militaire du rang. D’où l’importance, à travers cet enseignement, de susciter la réflexion de tous les actants.
Mais afin de répondre plus directement à
cette première question, nous pouvons avancer que cet intérêt, non pas soudain
mais significatif pour la chose éthique, est dû au fait que les mondes politique
et militaire ont totalement intégré que les actions sont essentiellement
affaire de morale et ont affaire avec la morale. Parce que dans les conflits, les
chefs militaires ont entendu, et ce depuis fort longtemps, l’acte de
commandement comme étant fondamentalement une affaire de morale, mais aussi parce
que de plus en plus et même dans les armées, le commandement, que nous
pourrions appeler ici « l’ordre donné » ou « l’ordre à
exécuter », qui est la finalité pratique de l’enseignement sur l’éthique,
apparaît comme une réalité que l’on est en droit de « questionner »,
de façon directe à l’extérieur de l’institution et parfois de façon indirecte à
l’intérieur. Il semble en effet lié à la hiérarchie, à l’inégalité, au mépris,
au pouvoir. Il est donc impératif de « revisiter » ce commandement et
ses aboutissements, d’adapter les cours d’éthique si l’on ne veut pas que cette
crainte entraîne la « non prise de décision » sur le terrain. Il est
donc indispensable de faire comprendre que les conséquences du pouvoir ne peuvent
être raisonnablement assimilées aux conséquences de l’abus de pouvoir. Là
encore, l’histoire est prête à nous le rappeler et à nous inciter à la
prudence, à la réflexion, en tout cas à l’analyse des différences. Et enfin, si
l’institution s’intéresse de près à la chose éthique, c’est aussi parce que l’on
vient de s’apercevoir que nous avons longtemps confondu droit, règlement,
morale, éthos, déontologie et éthique,
et qu’il est indispensable, actuellement de ne pas établir de confusion entre
tous ces termes. En effet, cette confusion entraîne un flottement intellectuel
qui peut grever la réflexion. Mais ceci ne veut pas dire que l’on doit fuir
tout ce qui pourrait ressembler à une façon de « faire la morale »,
car inévitablement on se priverait des apports de l’éthique au sens
étymologique de l’éthos. Ceci serait
dommageable, car les questions éthiques
se posent en prenant appui sur des façons de vivre établies qui se réfèrent à
des valeurs, et que précisément on réinterroge à la faveur d’une crise. Toutes
ces notions sont imbriquées et demeurent consubstantielles, mais il est
essentiel de comprendre que certaines doivent engendrer
« l’application », et d’autres, en particulier l’éthique, doivent
entraîner la réflexion[2].
Ainsi, l’enseignement de l’éthique dans
le milieu militaire a toujours suscité de nombreux débats et de nombreuses réflexions
et surtout engendré des différences de point de vue. Mais ces divergences ont
permis de mettre en place des groupes de réflexion et de construire une
structure intéressante et adaptée. L’armée a en effet cette aptitude de vouloir
et de pouvoir, dans de nombreux domaines, déconstruire pour reconstruire.
La question que l’on pourrait se poser,
même si elle semble très anecdotique dans cette présentation, est la
suivante : pourquoi ces différences de point de vue ?
Trois thèmes ont toujours suscité de
nombreux débats. Tout d’abord, l’aspect touchant à la définition de l’éthique à
enseigner qui semblait trop large et qui différait en fonction des décideurs.
Ensuite, celui concernant les outils pédagogiques à savoir, l’introduction de
cas pratiques et de témoignages dans le but de rendre plus accessibles
certaines notions considérées comme trop théoriques. Enfin, celui de la nature
du professeur ou de l’instructeur, de la personne en charge de l’enseignement.
La problématique se résumait ainsi : l’enseignement devait-il revenir
impérativement à une personne expérimentée dans le domaine militaire, une
personne qui avait été nécessairement confrontée aux problèmes qui allaient être abordés ? Dans
la suite de cette présentation, afin de répondre à notre problématique, nous
insisterons sur les deux premiers aspects et plus particulièrement sur le
contenu de ces enseignements et, bien évidemment, sur l’utilisation du « fait
historique ».
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