Guillaume
MULLER
Centre
de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École de l'Air, 13 661, Salon Air,
France
L’article
retranscrit ci-dessous est particulièrement intéressant pour éclairer les débats
qui façonnent l’aviation militaire française dans les années 1920 et 1930.
Contrairement à la Royal Air
Force qui a obtenu son indépendance dès 1918, l’armée de l’air française doit
attendre 1933 et 1934 pour arracher la sienne. Les raisons de cette
indépendance tardive sont nombreuses : politiques, économiques et
financières, culturelles… Mais ce sont les raisons doctrinales qui nous intéressent
plus particulièrement ici.
Quel type de
mission doit remplir cette aviation militaire en plein essor ? La question
intéresse alors l’ensemble des pays dotés d’une force aérienne. Deux grands
penseurs italiens ont cristallisé les deux principales positions du débat.
Giulio Douhet prône une dimension stratégique, dans laquelle l’aviation agit en
toute indépendance. Amedeo Mecozzi défend quand à lui une approche plus
tactique, où l’aviation agit dans la plus grande coopération avec les forces
terrestres.
En France, les
partisans de la création d’une troisième armée sont très logiquement favorables
aux idées de Douhet, qui portent en elles ce sésame vers l’indépendance. Nombre
de pilotes relaient ce point de vue. Le témoignage ci-dessous en est un bon
exemple. Ce pilote resté anonyme a participé à la guerre du Rif où l’aviation a,
par nécessité, agi essentiellement au profit des troupes au sol. Ce qui ne fut
pas propice à l’action aérienne selon lui. Il souligne par ailleurs la question
centrale du matériel et de son adaptation aux théâtres et aux missions.
Cette opposition
quant au rôle de l’aviation est profondément ancrée dans l’histoire de
l’aviation militaire française. Elle est loin d’avoir été tranchée avec la
création de l’armée de l’air. Le débat resurgit notamment avec fracas après la
débâcle de 1940, puis lors de la guerre d’Indochine.