Guillaume MULLER
Centre de Recherche de l'Armée de l'air (CReA), École
de l'Air, 13 661, Salon Air, France
Entre janvier 1923 et l’été 1925, la France et la Belgique occupent la
Ruhr. Il s’agit de contrôler ce poumon
industriel de l’Allemagne pour compenser son défaut de paiement concernant les
réparations de guerre établies lors du traité de Versailles. Parallèlement au
déploiement des troupes d’occupation, l’aviation française mène de nombreuses
missions d’ordre psychologique, caractérisées essentiellement par des largages
de tracts. L'objectif est de contenir et de dissuader l’élan de résistance
passive suscité par cette occupation. L’article ci-dessous nous éclaire sur le
procédé technique mis au point par un aviateur français pour faciliter ce type de mission bien
particulier.
Les Ailes, n° 122, 18 octobre 1923
« Les Avions de propagande dans la Rhür
Si la presse du monde entier a
beaucoup parlé de l’occupation française de la Rhür, elle n’a pas dit jusqu’ici que l’aviation
française y avait joué un rôle important et… d’ailleurs pacifique. Des millions
de tracts ont été jetés par les aviateurs sur toutes les agglomérations des
territoires occupés.
Au début, on se contentait
d’embarquer les papiers en vrac, à bord des avions, dans la place réservée au
mitrailleur. Celui-ci les lançait à la main, au cours du vol. Si elle avait
l’avantage de la simplicité, la méthode avait, par contre, des inconvénients.
Le lancement de 100.000 tracts demandait du temps ; les papiers, emportés
par le vent se logeaient dans l’empennage et risquaient de coincer les
commandes ; le poids du papier, placé derrière le passager, modifiait le
centre de gravité ; enfin par la suite de l’encombrement de la carlingue,
on devait abandonner, pour le lancement des tracts, toutes autres opérations
telle que la photographie, le mitrailleur ne pouvant, à la fois, lancer des
tracts et prendre des clichés.
L’extension donnée, dans la Rhür, au lancement de tracts
par avions a incité un pilote-aviateur de l’Armée du Rhin, le Sergent J.
Bagnaro, à concevoir et à réaliser un dispositif de lance-tracts. Ce dispositif
a donné de si bons résultats que son emploi n’a pas tardé à être généralisé
dans toutes les escadrilles de la
Rhür ; il a valu à son auteur les félicitations, bien
justifiées, du Général Chabord, commandant l’Aéronautique de l’armée du Rhin.
L’appareil du Sergent Bagnaro se
compose d’une cage formée de huit lattes de bois et de trois cadres en
aluminium ou en tôle d’acier. L’appareil est adapté, sous les ailes de l’avion,
au dispositif de lance-bombes. Relié à l’avion par une extrémité seulement et au
moyen d’une patte appropriée, l’appareil est soutenu par le câble qui
habituellement retient la bombe. Les tracts sont empilés, au nombre de 20 à
25.000 dans la cage qui, pour le transport, est maintenue, par son câble, dans
une position horizontale. Au moment voulu, le mitrailleur manœuvre les
commandes du lance-bombes ; la cage, libérée à l’avant de son câble,
bascule et les tracts tombent le long des glissières…
Le dispositif peut être monté sur
n’importe quel avion muni de lance-bombes Michelin ou G.A., en moins d’une
minute. A chaque voyage, quatre cages, placés sous les ailes, de part et
d’autre du fuselage d’un Bréguet, permettent d’emporter et de lancer 200.000
tracts… Autre avantage : le mitrailleur dispose de tous ses mouvements et
en distribuant ses papiers, sans la moindre fatigue, peut, en même temps,
effectuer un travail photographique.
Comme on le voit, si la conception
ingénieuse du Sergent Bagnaro est simple, elle répond aussi parfaitement au but
visé. »
Les Ailes, n° 122, 18 octobre 1923
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