L’armée de l’air est née en 1934.
L’Ecole de l’air voit le jour un an après. Cependant, si ces naissances sont
des réalités administratives, elles n’ont pas entraîné une autonomie complète
dans les années qui ont suivi. En effet, même si en 1939 un
semblant d’indépendance semble acté dans les domaines techniques et
administratifs, sur le plan opérationnel, aucun commandement Air n’existe qui
soit susceptible de concentrer les moyens aériens de diverse nature pour en
faire un instrument de choc autonome. Les unités aériennes étaient émiettées
entre les grandes unités terrestres. Ainsi, l’armée de terre a eu à sa
disposition une aviation à son service unique. L’armée de l’air était alors
considérée comme une « simple commodité ». On en revenait ainsi aux
premiers mois de la
Grande Guerre en ce qui concerne l’utilisation de
l’aéronautique militaire. Période difficile pour une armée de l’air trop jeune,
trop fragile, trop décriée, trop critiquée et trop convoitée. Après la débâcle
de 1940, elle sera donc perçue comme la grande responsable et par là même
fragilisée dans sa quête identitaire.
Son parcours pendant le second
conflit mondial, et en particulier pendant la période 1940-1942, est
chaotique : pas de moyens, pas de personnels, pas de chef ou trop de chefs
en fonction des périodes. C’est aussi une entité plurielle, difficile à cerner
dans le sens où coexistent l’armée de l’air de Vichy, les FAFL, une armée de
l’air en AFN et en AOF et des éléments épars que l’on retrouve dans la
résistance intérieure. C’est aussi une armée de stockage, qui n’a pas été
épargnée par les clauses de l’armistice et qui sera impliquée dans des
opérations difficiles comme par exemple, l’affaire de Dakar, les évènements en
Syrie et en Libye. Une armée de l’air torturée et divisée qui n’a toujours pas
poussé ses premiers cris.
Après 1942, cette Armée sera
représentée à travers des pilotes formés en Angleterre ou au Etats-Unis volant
sur des appareils anglo-saxons et qui se battent aux côtés des alliés sur des
fronts parfois très éloignés de la métropole. Donc, une armée de l’air invisible,
noyée dans le contexte international, qui n’existe pas encore. Elle fera
pourtant tout pour y remédier à travers des campagnes publicitaires
d’envergure. Il est à noter qu’à partir de 1944, dans une Armée de l’air en
pleine reconstruction, la cohabitation forcée va s’avérer difficile entre les
différents acteurs qui ont œuvré dans des « mouvements » parfois
opposés.
Puis surviennent les opérations en
Indochine et en Algérie. Elles se déroulent dans une période difficile, période
où, pour qualifier l’armée de l’air, on parle de « misère en battle-dress ».
L’aspect très particulier des opérations qu’elle mène, aurait dû faire
apparaître l’indispensable utilité d’un outil aérien adapté et indépendant en
ce qui concerne l’utilisation des moyens. Pour l’Indochine, les relations
difficiles, les incompréhensions avec l’armée de terre, les moyens défectueux,
les incapacités opérationnelles, n’ont pas permis d’être au rendez-vous et ont
surtout permis à l’armée de terre de confirmer l’incapacité de l’armée de l’air
à gérer des crises, des opérations dans un contexte d’autonomie,
d’indépendance. Les chefs militaires, habitués à penser la guerre en deux
dimensions, ne pouvaient en aucune façon concevoir une doctrine d’emploi de
l’aviation. L’armée de l’air sera à nouveau tenue comme responsable du
désastre.
L’Algérie, sera la guerre de
renaissance de l’aviation. Ce conflit va montrer à travers les opérations
héliportées, les missions de police, les actions commandos, les évacuations, les
liaisons, les ravitaillements, l’appui feu,…, toutes les possibilités d’une
armée de l’air opérationnelle. Cependant, même si on admet cette capacité
aérienne, la reconnaissance d’une autonomie, c'est-à-dire d’une armée de l’air
indépendante, reste encore difficile. Elle a certes montré toutes ses capacités
et démontré toute son utilité, mais il lui manque juste un élément
dimensionnant qui pourrait lui permettre d’asseoir définitivement son autonomie.
Les années qui vont suivre, vont
lui permettre de trouver cet élément, ou plus exactement plusieurs facteurs
déterminants. Tout d’abord, à partir du début des années 1960 les hommes qui
seront en charge des plus hautes fonctions dans l’armée de l’air, sont les
premiers aviateurs formés à l’Ecole de l’air et non dans les autres grandes
écoles militaires. Ils ont pour noms : Gauthier, Grigaut, ou encore
Saint-Cricq. Tous les trois ont commandé l’Ecole de l’air et tous les trois
seront CEMAA. Ils vont insuffler la culture de la troisième dimension et
apporteront la reconnaissance tant attendue. Cette continuité dans le
commandement va permettre de solidifier une certaine crédibilité au sortir de
la guerre d’Algérie.
Le deuxième facteur explicatif,
c’est bien évidemment l’acquisition du feu nucléaire et la mise en service du
Mirage IV en 1964 (application de la première loi programme). En 1967, c’est la
décision d’attribuer le plateau d’Albion (missiles balistiques sol-sol) à
l’Armée de l’air qui se retrouve ainsi détentrice de deux des trois composantes
nucléaires. Ainsi, ces deux facteurs ont permis à l’armée de l’air d’acquérir
de façon définitive une reconnaissance nationale et internationale et lui ont
donné la possibilité d’exister et donc d’être responsable. Une trentaine
d’années après sa création elle allait pouvoir enfin faire valoir ses actions
passées et se préparer pour celles à venir.
Christian BRUN
Centre de Recherche
de l’Armée de l’air (CReA), École de l’Air, 13 661, Salon Air, France